En Afrique de l’Ouest où les économies des pays de la sous-région dépendent fortement de la pêche, pêcheurs, entrepreneurs et autorités essaient de réinventer le modèle de pêche afin d’endiguer les activités de surpêche, pour la plupart illégales. Celles ci sont une grande menace pour les écosystèmes marins et les populations locales. La sous-région a mis sur pied un certains nombre d’initiatives dont le but est de parvenir à un modèle de pêche durable qui sera bénéfique autant pour l’industrie que pour les populations.
La surpêche a gagné du terrain
Au fil des années, l’industrie halieutique a connu une forte croissance en Afrique de l’Ouest. Cette ampleur s’est vue à la place importante que la pêche occupe dans la vie des populations et surtout au niveau de l’économie régionale.
Mais qui dit boom de croissance, dit également plus de défis à relever pour les acteurs du secteur. Car c’est bien connu, tout domaine qui produit de l’argent attire des prétendants qui ne sont pas toujours là pour le social. Et pour l’industrie halieutique, l’un de ces défis est la surpêche qui vient avec des conséquences.
Celle-ci a été maintenue depuis plusieurs années, notamment pour répondre à la forte demande des marchés européens et asiatiques à la quête d’espèces exotiques ; si bien qu’à l’heure actuelle, il est question de sauver l’industrie de la pêche.
La raréfaction des stocks
L’une des principales conséquences de la surpêche est la raréfaction des stocks qu’elle occasionne. En effet, à force de pêcher plus qu’il n’en faut, le poisson finit par manquer. L’Afrique de l’Ouest est en proie à un épuisement progressif des stocks de poissons qui inquiète.
À cause de la pêche illégale généralement pratiquer par des bateaux étrangers, la production locale subit de grosses pertes et les zones de reproduction sont menacées. Les chiffres de l’ONG Greenpeace rapportent que pas moins de 8 navires de pêche chinois ont participé aux activités illégales de pêche. Entre mars et juillet 2020, ils ont été vus au large des côtes sénégalaises dans la zone économique exclusive du pays.
Au-delà du manque de stocks, il en va de même pour l’emploi des populations locales qui souffrent du manque criard d’infrastructures car, il est de plus en plus difficile d’investir dans cette industrie, au vu des bénéfices qui diminuent au fil des années.
Un des autres aspects négatifs de la surpêche et probablement le plus important, est son impact sur la sécurité alimentaire et l’environnement. Au Togo par exemple, les besoins des populations sont passés à 70 000 tonnes de poissons, dépassant largement la production annuelle qui est estimée à 20 000 tonnes. Le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest et dans le golfe de Guinée a doublé. En deux ans, soit entre juin-août 2020 et juin-août 2022, il est passé de 3 à plus de 6 millions.
Solutions individuelles face à la surpêche
Pour venir à bout de ce dangereux phénomène, plusieurs voix se sont élevées afin de proposer des solutions efficaces, mais surtout réalisables. Pour le Dr Aliou Ba, conseiller politique pour la Campagne Océan à Greenpeace Afrique, il est primordial de mieux gérer et sécuriser les stocks de poissons en Afrique de l’Ouest. Surtout en cette période d’insécurité alimentaire imminente et de perte de biodiversité.
En Mauritanie, l’industriel Mohamed Abdellahi Ould Yaha de la société Maurinvest, est pour une une meilleure formation des pêcheurs. Pour cet homme d’affaires, il faut optimiser davantage la filière de transformation et miser sur la qualité du produit. Le tout aux moyens de la régulation de la ressource, la saisonnalité, l’amélioration des chaines de transformation et des infrastructures, afin de limiter au maximum la production perdue ou écoulée dans des produits peu valorisants comme les farines et parvenir au modèle ultime : pêcher moins et gagner plus.
Au Sénégal, l’entrepreneur Malick Birane est en faveur d’une rétribution plus juste du fruit de la pêche. Il a fondé la Start-up Aywajieune traduite par je vends du poisson en wolof, afin de venir en aide aux pêchers qui se font souvent avoir sur les montants à cause du manque d’information dont ils sont victimes. Grâce à l’application mobile de Aywajieune, les pêcheurs ont la possibilité de proposer directement leurs services aux clients, sans plus avoir besoin d’intermédiaire.
L’application assure également la livraison à la clientèle. À cause du manque d’infrastructures, le numérique a pris un nouveau tournant et est en plein essor et les pêcheurs ne pourraient pas être plus contents ; puisque la vitesse de rotation des stocks de poissons est dorénavant beaucoup plus rapide, passant de 5 jours en moyenne à 24 heures.
L’implication des gouvernements
Les entrepreneurs ne sont pas les seuls à agir pour le bien de l’industrie halieutique et heureusement. Dans plusieurs pays, les autorités ont également décidé de prendre les choses en mains en mettant en place des initiatives qui luttent contre la surpêche et concourent au bien être de tous et au développement du secteur, à travers une industrie locale et durable.
En Mauritanie, le gouvernement a signé un partenariat majeur avec l’UE en août dernier. Il s’agit de l’accord de pêche le plus important conclu entre l’UE et un pays tiers. Grâce au partenariat d’une durée de 6 ans, les navires provenant de France, Allemagne, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Espagne, auront la possibilité de pêcher du thon et des crustacés dans les eaux mauritaniennes de façon raisonnée. De son côté, Nouakchott recevra un montant de 57,3 millions d’euros pour les 290 000 tonnes de poissons pêchés par an et un autre supplément de 3,3 millions d’euros en soutien à la communauté locale des pêcheurs.
En début du mois d’août, le premier ministre ivoirien Patrick Achi a lancé le PSTACI, un programme de transformation de l’aquaculture ivoirienne qui vise à terme, la production de 550 000 tonnes de poissons par an afin de permettre au pays d’atteindre l’autosuffisance. Abidjan a également mis en place des protocoles d’accord avec le Ghana dans le cadre d’une approche régionale visant, plus largement, à lutter contre la pêche illégale, à développer des programmes conjoints de pêche locale et à préserver les espèces marines.
Quant au Kenya, il a coorganisé avec le Portugal la Conférence des Nations unies sur les océans, qui s’est tenue à Lisbonne, du 27 juin au 1er juillet 2022. L’objectif de cette rencontre était de parvenir à un accord multilatéral sur la gestion des océans, et identifier des partenariats durables, des outils et des points d’entrée pour promouvoir l’innovation et la durabilité dans l’économie bleue.
Le défi majeur pour toutes les personnes concernées par l’industrie halieutique aujourd’hui, est de tirer profit des ressources qu’elle a à offrir tout en les préservant afin de ne pas mettre à mal leur disponibilité pour les générations futures.