Le Cameroun craint une nouvelle catastrophe liée aux lacs. En matière d’incidents tragiques de ce genre, on peut dire que le pays est bien informé sur le sujet. En 1984, il y avait la catastrophe du Lac Monoum, qui a été suivie par celle du Lac Nyos, la plus dangereuse et mortelle à ce jour. Et plus récemment le 29 août dernier, c’était au tour du Lac Kuk d’éveiller la panique chez les riverains.
En 1984, le Lac Monoum émettait des gaz mortels qui avaient fait 37 morts. Deux ans plus tard en 1986, 1746 personnes et près de 8300 têtes de bétail succombaient asphyxiées par les gaz mortels, principalement le dioxyde de carbone, émis par le Lac Nyos.
Cameroun : La nouvelle frayeur du Nord-Ouest
Le Lac Kuk est situé dans la région du Nord-Ouest Cameroun à seulement 10 km du Lac Nyos. À la suite d’un changement soudain de sa couleur et son odeur, les populations riveraines ont été prises de panique, en repensant au drame de 1986.
Près de 1,24 millions de tonnes de gaz carbonique accumulé au fond du lac Nyos pendant des siècles, s’étaient libérés tuant sur son passage humains, animaux, insectes et oiseaux, avant de s’évaporer dans l’atmosphère où il est devenu inoffensif.
Tout ccomme Nyos, le lac Kuk est un lac de cratère situé dans une région d’activité volcanique et pouvant contenir des quantités mortelles de gaz. Il présente les mêmes caractéristiques que le Nyos après son éruption, eau rougeâtre et une odeur d’œuf pourri.
Un communiqué de presse a été publié pour expliquer ces changements et des fortes pluies en seraient la cause. Les populations vivant autour de Kuk ont été appelées à garder leur calme et à rester vigilantes pour pouvoir informer l’administration en cas d’un quelconque autre constat.
Plusieurs experts en gestion des catastrophes et géologues se sont penchés sur la question du lac Kuk et leur constat est clair : les efforts fournis pour régler et gérer le danger des lacs de cratère dans la région sont insuffisants.
Face aux potentielles catastrophes le maître mot est la prévention
Avec leur expérience, ils ont pu parvenir à quelques mesures qui serviraient de solutions pour éviter que d’autres catastrophes se produisent. Premièrement, il s’agit d’identifier à nouveau les lacs susceptibles d’exploser, puisque la dernière identification date dil y a plus de 30 ans et était faite de manière peu approfondie.
Sur un total de 43 lacs de cratère que compte la ligne volcanique du Cameroun, 13 sont suffisamment grands et profonds pour contenir des quantités mortelles de gaz, 11 sont considérés comme plus ou moins sûrs et 2 dont les lacs Enep et Oku, sont considérés comme dangereux.
Ensuite, il faut prendre en compte les critères annonciateurs de catastrophes. Le profil thermique du lac, la quantité de gaz dissout, la surface ou le volume et la profondeur de l’eau, sont quelques indicateurs majeurs du potentiel des lacs de cratère à stocker de grandes quantités de gaz nocifs.
Et enfin, il faut mener des investigations sur tous les lacs de cratère du Cameroun. Mais, cette initiative nécessite un financement important car cela veut dire créer une équipe scientifique diversifiée, leur fournir des ressources techniques, des moyens de transport pour atteindre les lacs.
La plupart des lacs de cratère se trouvent dans des zones reculées, avec un piètre réseau de communication, sans routes, ni de voies ferrées, ou d’aéroports, cela prendra donc quelques années pour achever un tel travail. En d’autres termes, ces solutions ne seront utiles que si les autorités acceptent d’investir.
La gestion du cas Kuk
Au vu de sa profondeur et sa superficie, le lac Kuk présente des risques relativement faibles de contenir une grande quantité de gaz toxique.
Seulement, ces contrôles datent de 1986 et depuis, rien n’a été fait. Malgré son faible risque de danger, il aurait tout de même été plus judicieux pour les autorités, de restreindre l’accès à ce lac, du moins jusqu’à ce qu’une nouvelle enquête plus approfondie soit menée.
La nature dynamique et active de la ligne volcanique du Cameroun fait qu’il existe une probabilité d’infiltration de gaz toxiques dans le lac Kuk bien qu’il soit considéré comme sûr.
Les explications selon lesquelles les fortes pluies seraient à l’origine de ces odeurs et changements de couleur, n’étaient que des pures hypothèses. Autrement dit, l’on a probablement demandé à des populations en droit de paniquer, de se calmer sans véritable arguments.
Une autre solution serait d’installer un détecteur de dioxyde de carbone près du Kuk et des autres lacs potentiellement dangereux. Ce détecteur servirait de système d’alerte précoce en cas d’émission de gaz mortels. Cela permettrait aux populations d’adopter les gestes qui sauveront des vies en cas d’alarme.
Après la catastrophe du lac Nyos, des détecteurs de dioxyde de carbone et des systèmes d’alerte ont été installés près des lacs Nyos et Monoum. Malheureusement, aucune simulation n’a été effectuée pour tester leur efficacité.
Qu’en 2022, plus de 30 ans après la catastrophe du lac Nyos, aucune mesure n’ait été prise pour atténuer les risques que font courir le Kuk et les autres lacs dangereux, que ce soit par la Direction de la protection civile (l’agence responsable de la coordination de la gestion des risques de catastrophes au Cameroun) ou par d’autres autorités, démontre peut-être de la volonté du gouvernement de ne faire aucun effort pour améliorer l’état des choses.
Cela dit, une chose est sûre, si les autorités ne sont pas proactives, le scénario de la catastrophe du lac Nyos pourrait se répéter, avec en prime, la mort soudaine de milliers de personnes et de bétail dans une région déjà ravagée par la guerre.