La réserve de la biosphère de Yagambi dans la province de la Tshopo en RDC accueillait cette semaine une réunion de scientifiques dans le cadre d’une Pré-COP. En effet, la forêt du Bassin du Congo, essentielle dans la lutte contre le changement climatique, est menacée. Alors que les scientifiques tentent de trouver des solutions afin de la sauver, les populations des villages voisins se lancent d’as des techniques de culture moins dévastatrices et dangereuses.
La réserve qui couvre quelques 250.000 hectares en bordure du fleuve est également un lieu réputé pour ses recherches en agronomie tropicale. À l’occasion de la Pré-COP qui se tiendra début octobre à Kinshasa, les scientifiques ont fait part de leur diagnostic.
Le plan B des scientifiques
Bien qu’elles soient présentes un peu partout dans le monde, on ne trouvait pas de tours à flux au Congo. Selon Thomas Sibret, le chef de projet venu de l’Université de Grand en Belgique, c’est cette absence de tour de flux qui explique pourquoi la compréhension de cet écosystème et son rôle dans le changement climatique étaient si limités.
Le scientifique a déclaré que la forêt tropicale séquestrait bien plus de gaz à effet de serre qu’elle n’en rejette, expliquant que les relevés de la tour « CongoFlux », opérationnelle depuis fin 2020, doivent être analysés sur la durée.
Pour Paolo Cerutti, expert du Centre pour la recherche forestière internationale (Cifor) et chef des opérations menées au Congo par cet organisme basé en Indonésie, même si l’Amazonie a longtemps été considérée comme le premier poumon et le Bassin du Congo comme deuxième, aujourd’hui c’est sur ce dernier que reposent tous les espoirs des scientifiques. En effet, avec ses 160 millions d’hectares de forêt, la RDC est encore capable d’absorber le carbone, contrairement à l’Amazonie qui avec le temps, est devenu un émetteur de carbone.
Seulement, les choses ne vont pas être aussi faciles pour les scientifiques puisque même ce 2e poumon est désormais menacé d’extinction. À cause de l’explosion démographique, les villageois installés sur des terres ont recours à des activités de subsistance et une fois que ces terres s’appauvrissent, ils vont plus loin à la recherche de nouveaux espaces. Ils défrichent, brûlent, s’installent et recommencent au besoin.
Cette exploitation industrielle et illégale contribue à la déforestation. L’année passée, la RDC a perdu un demi-million d’hectares de forêt. La forêt que l’on pensait inépuisable est malheureusement en train de se mourir. Aujourd’hui, il n’a plus d’arbres.
Comment sauver la forêt du Bassin du Congo ?
Cela fait maintenant cinq ans que l’UE finance le projet « FORETS » (Formation, Recherche, Environnement dans la Tshopo), en vue de sédentariser les paysans tout en leur permettant de mieux vivre de leurs champs et de la forêt.
Que l’on soit à pied ou à vélo sur ces sentiers étroits et boueux, la distance à parcourir avant de tomber sur des familles de chenilles, (colonisateurs d’arbres et mets grandement apprécié par les congolais) ou sur le nécessaire pour fabriquer du charbon de bois encore appelé « makala », est très longue.
Grâce au projet FORETS, les populations ont pu diversifier leurs moyens de récoltes. Ils s’adonnent ainsi à une forme d’alternance des cultures qui consiste par exemple à planter du manioc et des arachides entre des acacias à croissance rapide. Le point positif de cette méthode est que ces acacias pourront servir à la production de makala après 6 ans. De l’autre côté, il y a des pépinières qui alimentent le reboisement, tandis qu’une « ferme pilote » montre aux populations comment tirer le meilleur parti d’une exploitation, avec ici des ananas et là, une porcherie.
Faute d’électricité, les villageois se servent de makala pour la cuisine. Afin d’en obtenir plus sans toutefois mettre à mal la forêt, on explique aux bûcherons comment sélectionner les arbres. Les exploitants artisanaux légaux ont également à leur disposition, une scierie qui leur permet de travailler le bois d’œuvre, nécessaire à la production de belles planches d’afrormosia, de bois rouge, d’iroko, de kosipo, etc.
Mais, les initiatives du projet ne s’arrêtent pas là. Il a fourni un laboratoire de biologie du bois qui aide à prédire l’évolution de la forêt et l’herbarium, le sanctuaire de milliers de plantes séchées collectées depuis les années 1930, a été rénové. Quant aux responsables du « programme national de recherche sur les caféiers », ceux-ci rêvent de renaissance de la filière café, qui a succombé suite à la mauvaise gestion, aux maladies et aux conflits armés.
Des avis mitigés
Même s’il est évident que le projet de l’UE porte ses fruits et aide de manière effective et efficace les populations autour de la forêt congolaise, il faut également noter que les avis sont très mitigés.
Certains villageois célèbrent les initiatives, allant jusqu’à reconnaître que leurs pratiques d’avant le projet FORETS n’étaient pas forcément les bonnes. D’autres sont incapables de cacher leur joie de revoir le secteur de l’élevage reprendre des couleurs et les plus jeunes se réjouissent à l’idée que « la forêt revienne près de la maison ».
Pour les autres beaucoup moins enthousiastes, il y a la peur que la tour à flux vole l’oxygène et que leurs terres ne leur soient volées. Pour manifester leurs réticences vis-à-vis du projet auquel ils ne croient pas, ces villageois n’hésitent pas à vandaliser les dendromètres fixés sur des troncs pour mesurer leur croissance. Pour certains chefs, les arbres n’ont pas besoin de ces programmes pour repousser. Ils sont d’ailleurs convaincus que ces programmes successifs ne leur sont pas réellement bénéfiques et n’enrichissent que leurs promoteurs.
Afin de changer les mentalités et d’aller vers une adhésion de tous, les équipes du Cifor espèrent passer par la sensibilisation et l’éducation. Seulement, il y a un manque criant de moyens et les populations congolaises peinent malheureusement à voir venir les « financements carbone » promis par les « pays pollueurs » en échange de la protection de la forêt.
Pour Dieu Merci Assumani, le directeur du centre de recherche de l’Inera (Institut national pour l’étude et la recherche agronomique), « des engagements, c’est bien, mais il faut des décaissements ». Contrairement aux autres défenseurs de l’environnement, il pense que la récente mise aux enchères de blocs pétroliers, dont un tout proche de Yangambi, est une bonne chose pour le pays et le continent, tant que l’exploitation pétrolière se fait dans le « respect du principe de gestion durable ».