Face à l’inflation et au risque de pénurie de blé, la Côte d’Ivoire se dit enfin prêt à consommer local. Ainsi, elle mise sur l’utilisation de denrées locales, à commencer par la farine de manioc pour fabriquer la baguette de pain.
L’impact de la guerre russo-ukrainienne
Du fait de la guerre en Ukraine, l’Afrique est privée de blé venant de l’occident. Les deux plus grands producteurs, la Russie et l’Ukraine étant en guerre, les prix de blé et de bien d’autres produits ont considérablement augmenté dans le monde. La Côte d’ivoire, elle importe principalement son blé de la France, cependant l’offre mondiale s’est effondrée.
Afin que cette hausse très peu acceptée, ne se répercute sur le consommateur, le gouvernement ivoirien a choisi de plafonner le prix de la baguette entre 150 et 200 francs CFA (soit 22 et 30 centimes d’euro) selon le poids, et une subvention de 6,4 milliards de francs CFA (environ 10 millions d’euros) a été débloquée pour compenser les boulangers ivoiriens.
Ne voulant pas revivre à Côte les émeutes de la faim qui l’avaient secouée en 2008 alors que les prix des biens de consommation comme le riz, le lait ou la viande avaient flambé, la côte d’Ivoire se tourne vers les denrées locales, « la farine de manioc ».
Une nouvelle alternative pérenne, « la farine de manioc »
La fameuse baguette de pain est un aliment central, pour toutes classes sociales confondues. Le pays compte environ 2.500 boulangeries qui proposent du pain chaud tous les matins à sa population. Ce « produit de grande consommation », selon le ministre de l’Economie Adama Coulibaly est un aliment phare qui ne peut être enlever de la chaine alimentaire des ivoiriens.
Compte tenu de l’augmentation des prix du blé, le gouvernement Ivorien introduit officiellement la farine de manioc « à hauteur de 15% » dans la fabrication du pain. Il va sans dire que l’utilisation d’une petite portion de farine de manioc dans la fabrication du pain permettrait déjà de soulager quelque peu les finances de l’Etat ivoirien.
La Côte Ivoire se pense capable d’implémenter cette nouvelle alternative car elle produit par an 6,4 million de manioc, deuxième culture locale après l’igname. En effet, malgré son sol assez fertile, l’an dernier la Côte d’Ivoire a dépensé 10% de son budget national de 152 milliards d’euros dans l’importation de denrées alimentaires. Il est plus que temps d’exploiter le potentiel agricole de la Côte d’Ivoire.
Ranie-Didice Bah Koné, secrétaire exécutive du Conseil National de Lutte Contre la Vie Chère (CNLCV, étatique) affirme qu’ « Il s’agit de penser à long terme, à notre sécurité alimentaire, il s’agit de penser comment la Côte d’Ivoire va faire en sorte d’être moins dépendante des cours mondiaux ».
Ayant l’envie de promouvoir le « consommer local », président de la confédération des consommateurs de Côte d’Ivoire, Jean Baptiste Koffi estime au nom des consommateurs être pour « … cette intégration de céréales produites localement. Cela va permettre de relancer la production de manioc, de maintenir le niveau du prix du pain ».
Le grand challenge serait de faire accepter cette nouvelle alternative aux consommateurs de pain qui ont un grand nombre d’idées reçues et stéréotypes à propos du pain à base de manioc. « Le pari n’est pas gagné. Car pour l’Ivoirien, un pain au manioc est associé à un pain de mauvaise qualité. Il va falloir sensibiliser les consommateurs à ces nouvelles saveurs », estime René Diby, boulanger, et un tel changement doit être précédé « d’une campagne de sensibilisation accrue ».