La crise entre la Russie et l’Ukraine ne cesse d’avoir des répercussions sur l’économie mondiale. Ce conflit entre les principaux exportateurs d’oléagineux limite les échanges avec le marché, créant une pénurie qu’aucun pays n’a anticipé. Au Cameroun, le prix de l’huile de palme raffiné est passé de 1200 FCFA à 1600 FCFA. Cependant, au vu du potentiel local, les agro-industriels peuvent saisir cette opportunité afin de gagner en part de marché et couvrir le besoin local et sous régional en matière de production et de commercialisation d’huile de palme. Toutefois, les industriels devront prendre en compte les éléments tels que l’environnement et la préservation des communautés locales.
La Russie ravitaille le marché mondial en oléagineux à hauteur de 4 millions de tonnes, contre 4.4 millions de tonnes pour l’Ukraine. Ce qui signifie qu’actuellement 8.4 millions de tonnes de graines ont du mal à circuler sur le marché. Par ailleurs, le peu qui réussit à être mis en vente a connu une hausse vertigineuse, le prix de la tonne est passé à 2000 dollars, soit une augmentation de 50%.
Les conséquences de la crise dans la production et la commercialisation de l’huile de palme brute et raffinée au Cameroun.
Préalablement pressé de toute part par la pandémie, les pays africains se sentent totalement désemparés face à ce nouveau problème. Le président rwandais Paul Kagame n’a pas manqué d’exprimer sa stupeur quand il constate que tout un continent souffre à cause d’un conflit entre deux pays. Cette situation doit donc être prise au sérieux afin de bâtir une Afrique autonome et prospère.
Ceci est d’autant plus vrai alors que nous observons le panier de la ménagère peiner à se remplir du fait de la flambée des prix. Dans la ville de Douala, plus précisément au marché Bocom Ndog passi II, commerçantes et clients ne savent plus à quel saint se vouer. Le prix du litre d’huile est d’un jour à l’autre passé de 1200 FCFA à 1700 FCFA et l’huile communément appelée « vrac », substitut pour les familles modestes coûte désormais 2000 FCFA. Les marques telles que Olio n’ont plus de visiteurs en rayons car il faut débourser 2400 FCFA pour avoir une bouteille d’1L.
Dans le nord Cameroun, la SODECOTON avait déjà annoncé une hausse de ses prix du fait de la pénurie d’engrais. Le sac de 50kg d’engrais chimique est passé de 15 000 FCFA à 25 000 FCFA.
Les agro-industriels locaux s’impliquent de plus en plus.
Le choc est expliqué par le fait qu’une grande partie de la consommation locale est assuré par les importations. En effet, le pays dispose d’une production annuelle de 230 000 tonnes alors que le besoin réel s’élève à 325 000 tonnes. La capacité de production d’huile de palme brute s’élève à 370 000 tonnes pour un besoin interne de 1.2 millions de tonnes. Cette production est déployée à 90% voire 95% pour consommation locale.
La palette de producteur ne cesse de s’agrandir. À côté des pionniers tels que Pamol, Sapacam, Camdev (Cameroon Development), Socapalm (Société camerounaise de Palmeraies), Sodecoton, et la Cameroon Development Corporation (Cdc), plusieurs autres acteurs ont installé leurs usines au Cameroun. Il s’agit notamment de SCR Maya et Cie, Azur S.A, SCS/Rafca, Spfs (Société des palmerais de la ferme Suisse), CCO S.A. et Saagry (Société agro-industrielle du groupe Youssa).
Le marché est très opportun pour les industriels installés au Cameroun. Si l’on prend pour indicateur le chiffre d’affaires, on peut constater qu’entre 2019 et 2020, la marque d’huile végétale Palm’or, et Camseeds enregistre des ventes consolidées qui sont passés de 40,85 milliards, contre 37,49 milliards FCFA, soit une hausse de 8.6%.
Selon Jacquis Kemleu Tchabgou, président de l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc), l’État collecte des recettes auprès de l’industrie à hauteur de 100 milliards de FCFA par an, ceci grâce à la commercialisation d’huile, de savon, détergent et margarine à l’étranger.
Développement : Les questions d’environnement et de préservation de la population locale doivent être prises en compte.
Le tissu industriel bien qu’embryonnaire ne cesse de tisser sa toile. Les différents producteurs de leur côté ne cessent de booster leur capacité, mais font désormais face aux questions liées à l’environnement et à la protection des autochtones. L’un des exemples le plus récents est le cas de l’agro-industriel Camvert S.A spécialisé dans la production d’huile de palme et de palmiste, qui a obtenu de l’Etat une surface exploitable de 50 000 hectares dans la région du Sud (Campo et Nieté), et l’ONG Greenpeace.
Les questions environnementales sont liées à l’urgence mondiale, situation causée par la pollution des grands industriels occidentaux. La pression des organisations non gouvernementales réussit à influencer l’opinion des locaux et du gouvernement.
Loin d’encourager la destruction de l’environnement, il s’agit pour chaque pays de trouver un équilibre entre développement industriel et développement durable. La structure actuelle de nos économies semble ne pas permettre ce luxe. Toutefois, il existe des organismes locaux spécialisés dans la préservation de l’environnement avec lesquelles les différents acteurs du secteur peuvent collaborer.
Les industriels quant à eux ne devraient pas voir en cela un affront ou un frein dans la mesure où, la pérennité de leurs usines est tributaire de la qualité de leur relation avec la nature. En synergie avec le ministère en charge de l’environnement, des solutions doivent être trouvées afin de proposer un plan de développement durable et inclusif qui profite à l’Afrique.
Cette démarche est déjà employée par l’agro-industriel Camvert qui au cours d’une interiew avec une presse locale affirme : « En ce qui concerne les critiques des ONG, je suis de ceux qui pensent que nous devons mettre les intérêts de notre population au centre de nos préoccupations. Nous ne pouvons pas arriver à une transformation structurelle de notre économie et obtenir une véritable souveraineté alimentaire sans passer par l’industrialisation. Toutefois, les acteurs qui s’engagent se doivent de mettre en œuvre des programmes de durabilité qui permettraient d’avoir un minimum de garanties socio- environnementales. »
Le gouvernement doit prendre les bonnes décisions.
Le Cameroun dispose d’assez de ressources pour accroître sa résilience face aux différents chocs externes. A côté des grands industriels, les pouvoirs publics devraient soutenir de telles initiatives dans d’autres secteurs comme celui des céréales. La subvention n’est décidemment pas une sortie de crise, il faut investir dans les secteurs qui favoriseront notre autonomie.
Quand nous prenons l’exemple du Mali et du Burkina Faso, on constate que le pays a investi dans la mise en place d’une industrie spécialisée dans la fabrication d’ordinateurs et tablettes, ceci dans le but de réduire sa dépendance au marché international.
Plusieurs analyses ont montré que les sommes mises à disposition pour acquérir ses gadgets par l’État camerounais étaient capable de financer la mise en place d’une usine de fabrication d’ordinateur. La mobilisation de ressources humaines pour la réalisation d’un tel projet aurait été la tâche la moins ardue.
En effet, la diaspora camerounaise est dotée d’excellent profil dans quasiment tous les domaines d’études que l’on peut observer. Le gouvernement devrait mettre en place des facilités pour que les Camerounais de l’autre côté puissent transférer la technologie. L’état actuel du Cameroun semble beaucoup plus du ressort de mauvaise décision que de manque de ressource.