La bourse de valeur mobilière de l’Afrique centrale est en période de vache maigre depuis plus de quatre semaines déjà. En effet, à la fermeture au jour du 17 juin 2022, le marché a enregistré deux transactions ; il s’agit de seize actions de la Régional négociées à six cent quatre-vingt-seize mille FCFA (696.000 FCFA.), aucune transaction n’ayant été enregistrée sur le compartiment des obligations. Le marché dominé par les acteurs institutionnels et les banques se trouve dans un état de léthargie, Cette situation étant entre autre tributaire au problème d’éducation financière que rencontre la plupart des pays d’Afrique subsaharienne.
« Au 17 juin 2022, la contribution du marché financier au financement des économies de la CEMAC est de 1,435% du PIB régional CEMAC à fin 2021, en tenant compte uniquement de l’encours des dettes augmenté de la capitalisation du flottant. ». La dormance dont fait preuve le marché ne saurait être imputée à l’absence de titres tant sur le compartiment action qu’obligation.
En effet, le compartiment action de la BVMAC dispose de plusieurs titres pouvant faire objet de transaction: 4 575 789 pour Socapalm, 1 242 000 pour Safacam et pour la 192 473 Société des Eaux Minérales du Cameroun (SEMC), pour ne citer que ceux-ci. la séance de cotation du 17 juin 2022 nous donne de voir que 16 actions de la Régionale sur les 865 630 disponibles ont été négocié.
Le compartiment obligations offre également matière à interagir sur le marché. Plus d’un million de titres attendent preneur par exemple, l’emprunt « EOBDE 5,45% net 2020-2027 » a de plus de 930 000 titres placés à la vente. Si les acteurs institutionnels et les banques sont très actifs, les personnes physiques ont encore du mal à saisir les opportunités que leur propose le marché. Cependant, le marché n’a enregistré aucune transaction au cours de la dernière séance de cotation.
Face à la léthargie du marché, la BVMAC prend des mesures.
La BVMAC depuis le début de cette année ne cesse de multiplier des entreprises dans le but de dynamiser le marché. Le dernier évènement est celui qui s’est tenu au K-hôtel du 1er au 4 juin, et qui a vu la participation des professionnels de la finance et de plusieurs entreprises financière. Cependant, la situation du marché semble être plus calme qu’avant.
Des mesures ont à cet effet été prises par la bourse afin d’accroître le niveau de transactions sur le marché. Le conseil d’administration au mois de février avait déjà décidé que toutes les émissions de titre sur le marché financier de la CEMAC doivent obligatoirement inclure un contrat de liquidité avec la société de bourse concernée.
Pour voir ses titres être négociés sur le marché, l’émetteur doit mettre à la disposition de sa société de bourse une enveloppe financière et des titres en utilisant comme assiette, le volume de l’emprunt souscrit par les investisseurs personnes-physiques. Le taux était fixé à 2% et 0,5% de l’assiette respectivement pour le montant en espèces et la dotation en titres.
Cette nouvelle mesure est fortement critiquée par les professionnels surtout que les retombées ne sont pas encore visibles. Un intermédiaire financier a clairement exprimé son point de vue sur la question en soulevant des aspects qui vont à l’encontre des pratiques dans le métier : « C’est une absurdité que d’appliquer un contrat de liquidité sur les valeurs obligataires. Ce sont des contrats liés à une duration, et qui quittent la cote une fois l’échéance arrivée. Ceux qui les détiennent par principe les conservent pour percevoir les coupons. Historiquement ce sont des titres moins liquides que les actions sur tous les marchés du monde et qui ne fluctuent presque pas. On ne contraint pas un émetteur d’obligation à faire de l’animation »
Le réel problème du marché financier en Afrique subsaharienne.
Les difficultés auxquelles font face le marché financier loin d’être technique sont tout d’abord socio-culturelles. En effet, les mentalités des populations de la CEMAC ne sont pas éduquées à la bourse ou aux autres solutions financières institutionnelles, ce qui rend inadapté la solution proposée par le conseil d’administration du marché qui demande d’incorporer dans l’assiette la participation des personnes physiques.
Par ailleurs, avec une économie constituée en majeure partie du secteur informel et des PME on peut mieux comprendre le faible nombre des titres négociés, les conditions d’accès au marché ne leur permettant d’ores et déjà d’envisager une quelconque interaction avec celui. Ce qui conforte encore la vision élitiste de la finance en Afrique.
Les professionnels de banque et du métier de la finance eux-mêmes ne sont pas actifs sur le marché. S’ils agissent en tant qu’institution, les employés d’un certain grade ne manifestent aucun intérêt pour les produits émis sur ces marchés. Du coup, comment vendre un produit que les offreurs et les professionnels ne s’offrent pas?
L’implication des professionnels, l’éducation financière et l’adaptation des pratiques au contexte africain sont les clés au problème de notre marché financier.
Une compagnie camerounaise a eu à faire face à ce genre de difficulté, il s’agit notamment d’Eneo. Dans le cadre de son infructueuse campagne de transition en compteur prépayé (gratuitement), la compagnie a opté pour une stratégie qui part de l’intérieur vers l’extérieur. Tous les agents Eneo ont été eux même sommés de changer de compteur au risque de ne plus se voir attribuer des contingents.
Ce parallélisme permet de comprendre que l’impulsion en termes de personnes physiques devraient venir des professionnels ou aspirants au métier. Par la suite, les différentes bourses devraient dans le cadre de leurs activités procéder à une campagne d’éducation financière afin d’accommoder les uns et les autres à cette nouvelle pratique.
Pour les TPE/PME et Start up, le marché financier pourrait créer un compartiment dédié, prenant en compte les réalités de ces derniers. Le défi actuel du marché financier n’est pas technique mais communicationnel car, la peur de l’inconnu empêche d’agir.