Mamadou Seyba Traoré, metteur en scène de « Raabi », annonce que la grande première se tiendra vendredi à 20 heures dans l’enceinte du Théâtre national Daniel Sorano à Dakar. La pièce de théâtre adaptée du roman « La malédiction de Raabi » du colonel Momar Guèye, se veut ambitieuse avec pour but la mise en exergue des « drames silencieux » des femmes dans les maisons sénégalaises.
Alors qu’il était en pleine séance de répétition lundi, Mamadou Seyba Traoré s’est adressé aux nombreux journalistes qui y étaient conviés. En parlant de la pièce, il a déclaré que : « Raabi, c’est le destin de la femme qui est décrit. Elle n’est que l’instrument du destin. » S’agissant du roman dont elle est tirée, il a dit : « je soupçonne le colonel de l’avoir choisi rien que pour livrer un message ».
Une œuvre qui prend vie
Afin de donner vie à cette histoire, Traoré a révélé qu’il comptait sur des comédiens triés sur le volet. Des comédiens dont le talent sera mis à l’honneur, puisque toute l’émotion dramatique de la pièce repose sur leur jeu. Leur travail sera de jouer cette pièce à partir d’une représentation « beaucoup plus symbolique que réelle ».
L’intrigue de la pièce est fidèle à celle du roman, en ce qu’elle évoque les mêmes lieux notamment Niodior (dans les îles du Saloum), Saint-Louis (au nord) et Dakar la capitale ; et reprend les patronymes des personnages du livre.
Tout comme le livre, la pièce se sert de l’histoire de Raabi pour mettre en exergue tous les maux de la société. L’histoire de Raabi est particulièrement triste, issue d’une famille polygame, violée dans son jeune âge par un tonton flingueur, mariée de force à un cousin débile, « seule la fuite lui permettait d’échapper à cette souffrance. Mais le pire adviendra ».
Des mots sur des maux
En évoquant la pièce, Seyba Traoré déclare que : « Raabi représente ces drames silencieux qui se passent dans les maisons et l’accumulation de tous les maux qui gangrènent la société depuis les tensions dans les foyers polygames. »
Son indignation est surtout portée vers l’attitude de la famille de Raabi, qui porte plus à cœur son « honneur » qu’elle veut à tout prix préserver, au détriment de la jeune fille abusée, violée qui mérite sa solidarité.
Il dénonce d’ailleurs ce comportement en disant que pour la famille, ce qui importe, ce n’est pas sa fille qui a été violée, mais ce maquillage que nous avons l’habitude de faire dans nos relations entre nous. « Cacher cela sous le drap comme si l’honneur d’un violeur est plus important que la vie d’une jeune fille ». A-t-il ajouté.
Selon le metteur en scène, l’histoire racontée par cette pièce a été séquencée en trois visions : la prédiction, les épreuves et la mort.
Traoré considère que la séquence mettant en avant l’attitude exécrable de la famille de Raabi est celle qui traduit le mieux la société sénégalaise, car elle décrit selon lui une réalité quotidienne au Sénégal bien que, et pour son plus grand malheur, souvent enveloppée dans le drap de la pudeur. « C’est un électrochoc de la société sénégalaise, de toutes les sociétés », déclare-t-il.
Un casting de qualité pour une œuvre de qualité
L’un des points forts de la pièce de Traoré, c’est qu’elle peut compter sur son casting, fait de comédiens dont la notoriété et le talent sur scène, ne sont plus à démontrer. Parmi eux, Adjiara Fall et Ibrahima Mbaye Thié, des pensionnaires du Théâtre national Daniel Sorano, mais aussi Yacine Sané et Anne Marie D’Olivera, des comédiennes venues de troupes privées, sans oublier la participation d’élèves de l‘Ecole nationale des arts.
Le colonel Momar Guèye, auteur du roman dont est extraite la pièce, s’est dit satisfait de la présentation qu’il a vue durant les répétitions. « Le souci était de mettre en évidence les erreurs et les abus gravissimes de notre société », a-t-il dit ; chose que la pièce a réussi à faire puisque qu’il a estimé que la quintessence du roman a été prise en compte dans la pièce.
Le roman de Guèye qui avait déjà fait l’unanimité auprès des lecteurs mais aussi des personnes du milieu, cède donc sa place à la pièce qui a reçu les mêmes éloges. C’est le cas de la célèbre écrivaine Aminata Sow Fall, à l’origine de la préface du livre qui voit dans cette pièce un plaidoyer contre les mauvais traitements faits aux femmes. Elle rejoint l’avis du critique Alioune Badara Diané, pour qui le roman du colonel Guèye est « une radioscopie de la société sénégalaise ».
Au Sénégal, le directeur de la troupe dramatique de Sorano Sékou Dramé exprime son souhait de voir la pièce présentée et jouée dans les autres régions du Sénégal, après Dakar. Une bonne chose, puisqu’elle permettrait aux sénégalais de faire face à ces tares sociétales dont ils feignent l’ignorance au quotidien.