L’affrontement survenu le 10 juin entre des policiers et des habitants du village d’Ololosokwani, dans le district de Ngorongoro, à la limite orientale du parc national du Serengeti, a été la goutte d’eau qui a débordé le vase.
Les combats sont survenus après que les habitants se sont mobilisés pour faire barrière aux garde-chasses qui avec des policiers, sont arrivés au village pour délimiter une parcelle d’environ 1 500 kilomètres carrés (580 miles carrés), selon certaines sources gouvernementales.
Cependant, la population déclare le contraire, jetant la responsabilité sur le gouvernement tanzanien. Certains villageois âgés affirment dans un clip vidéo enregistré par un militant des droits de l’homme de la région, avoir été attaqués par la police avec des objets tranchants et d’autres ont été abattus.
L’un des blessés de l’incident a déclaré que, « Ils nous ont trouvés dans une réunion et ils ont commencé à nous tirer dessus comme des animaux sauvages ». « Nous étions partis faire paître nos vaches lorsque nous avons rencontré des policiers sur notre chemin qui ont commencé à nous attaquer à balles réelles », a déclaré un autre villageois âgé.
Dans ce clip vidéo, les blessés de cet incident, ont montré des blessures aux membres et à la tête. Selon des activistes, 31 personnes ont été gravement blessées et des centaines ont été déplacées.
Le gouvernement tanzanien, victime de mésinformation ?
Les autorités insistent sur le fait qu’il n’y a pas de blessés, pourtant, des activistes et le législateur de Ngorongoro, Emmanuel Ole Shangai, ont déclaré aux médias que les victimes sont soit soignées dans un hôpital de l’autre côté de la frontière au Kenya, soit chez elles, ctrrifiées à l’idée de se rendre dans les hôpitaux locaux par crainte d’être arrêtées.
Le Premier ministre Kassim Majaliwa a déclaré le 10 juin, au Parlement qu’il n’y avait pas de confrontation dans la région. Il a déclaré que son gouvernement surveillait les faux rapports partagés sur les médias sociaux au sujet de la violence et a promis qu’il prendrait des mesures contre ceux qui induisent le public en erreur.
Majaliwa a déclaré que, « Certaines personnes ont commencé à faire des vidéos avec ceux qui n’aimaient pas voir des gardes-chasse dans leur village ». Ainsi, « en vérité, il n’y avait aucun groupe, ni de policiers ni de villageois, qui voulait nuire à l’autre groupe. Ce n’étaient que des villageois qui mettaient en scène une attaque fictive ».
La présidente du Parlement, Tulia Ackson, a demandé au gouvernement d’agir contre ceux qui « induisent en erreur » le public, en commençant par la personne qui a enregistré et diffusé la vidéo montrant la confrontation entre la police et les villageois.
Les raisons gouvernementales de l’expulsion
Selon les autorités tanzaniennes, ces terres occupées par les Maasaï sont cruciales pour la reproduction et la migration des gnous vers le Serengeti et une source d’eau clé pour le parc national. De plus, Ngorongoro fait face à une dégradation de son environnement.
En effet, dans ce site, patrimoine mondial de l’UNESCO coexistent de manière unique la faune et les éleveurs Maasaï semi-nomades, et est surpeuplé par les humains et leur bétail. Il bien vrai que la Tanzanie a donné son aval pour que les nomades puissent vivre dans les parcs, cependant leur population a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, tout comme leur bétail.
Une situation alarmante
Les Maasaï n’approuvent pas les raisons que le gouvernement tanzanien donne à propos de leur expulsion. Les habitants et les militants affirment que le gouvernement veut s’assurer que les terres sont exclusivement utilisées pour la chasse aux trophées par une société de chasse et de safari de luxe. L’Otterlo Business Corporation organise des voyages de chasse pour la famille royale des Émirats Arabes Unis et leurs invités qui s’envolent vers une piste d’atterrissage construite sur mesure à Ngorongoro.
Leur expulsion intervient alors même qu’une affaire est en cours devant la Cour de justice d’Afrique de l’Est à Arusha, dans le nord de la Tanzanie. « Le différend entre le gouvernement et les Maasaï implique un manque flagrant de respect de la loi et de l’ordre », a déclaré à Al Jazeera Joseph Oleshangay, avocat maasaï et militant des droits de l’homme. « Le gouvernement ne se préoccupe pas de la conservation. Il ne fait qu’utiliser la conservation comme prétexte pour déplacer les sociétés ».
Il faut noter qu’en mars, une lettre censée provenir du gouvernement local a circulé sur les médias sociaux. Elle relayait un ordre aux responsables de Ngorongoro de réaffecter plus de 80 000 $ de fonds de secours COVID-19, initialement destinés aux écoles publiques de la région, à l’un des sites de réinstallation, Handeni, un district situé à 600 km au sud de Ngorongoro. Mais les Maasaï sont réticents à déménager sur les 162 000 hectares (400 000 acres) de terres destinées aux membres relocalisés de la communauté à Handeni, car Ngorongoro est le seul foyer qu’ils aient connu.
Les rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont exprimé le 15 juin, leurs inquiétudes quant à l’utilisation d’une force excessive lors de l’expulsion du peuple Maasaï de ses terres ancestrales. « Nous sommes profondément alarmés par les rapports faisant état de l’utilisation de balles réelles et de gaz lacrymogènes par les forces de sécurité tanzaniennes le 10 juin », stipule le rapport.
La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a pour sa part, fermement condamné l’incident, exhortant le gouvernement à mettre fin à l’expulsion continue et à ouvrir une enquête indépendante.
Par ailleurs, des milliers de Massaï de la région de Ngorongoro ont écrit en avril, aux gouvernements britannique et américain ainsi qu’à l’Union européenne pour leur demander d’intervenir.
« Plus de 70 % de nos terres natales ont été prises pour des raisons de conservation et d’investissement », peut-on lire dans la lettre. « Nous lançons un appel aux organisations de défense des droits de l’homme, aux médias et aux autres citoyens qui accordent de l’importance aux droits des autochtones pour qu’ils partagent notre situation et fassent pression sur le gouvernement tanzanien pour qu’il respecte les droits de ses citoyens et en particulier des autochtones ».
Pour les Maasaï, il n’est pas question d’être expulsés de leur terre, ce bien ancestral fondamental pour leur mode de vie pastoral et qui a une énorme signification culturelle. Ils affirment clairement dans la lettre que, « Nous sommes capables de conserver et de prendre soin de notre environnement plus que quiconque, et nous l’avons démontré depuis si longtemps ».