Bénin: AKAA-Sanda Amadou relie art, sacré et écologie

Bénin: AKAA-Sanda Amadou relie art, sacré et écologie Actualité & Info | Éditions Afrique

Le Bénin dispose d’imminents hommes de science qui en font la fierté. D’abord professeur et écrivain, titulaire d’un doctorat en sociolinguistique, Sanda Amadou est un artiste plasticien autodidacte, qui doit sa nouvelle carrière à une série de rejets. À 44 ans, l’artiste béninois peint des tableaux uniques qui mêlent à la fois art, sacré et protection de l’environnement. Partons à la rencontre de cet homme qui fait partie des 130 artistes exposés dans les galeries de la prestigieuse foire française AKAA.

Les tableaux de Sanda Amadou se construisent dans un vide au milieu d’une « forêt », sans couleurs voyantes ni autres personnages clinquants et scènes populaires.

Le moins que l’on puisse dire de la carrière de Sanda Amadou, c’est qu’elle n’était pas du tout choisie. Cet écrivain avait pour ambition de faire de la poésie et écrire des nouvelles. Seulement, suite à plusieurs tentatives non concluantes dans sa recherche d’une maison d’édition désireuse de miser sur lui, Amadou se retrouve dans l’art contemporain.

Cela commence par un retour aux sources, à sa culture nomade Peule. Il collectionne des tatouages peuls qu’il va ensuite dessiner, expliquer et interpréter et de fil en aiguille, voilà qu’il se retrouve dans les arts plastiques.

Le Bénin, son pays d’origine étant un petit pays sans école d’art, Sanda Amadou émigre au Nigeria où il rencontre bon nombre d’autres artistes. C’est également l’occasion pour lui d’améliorer sa technique de travail grâce aux écoles d’art présentes à Lagos.

Sanda Amadou: Exposition de la culture Peule

Malgré le fait qu’il a vécu et fait ses études au Ghana et au Nigeria, Amadou est resté très attaché à son pays où il est retourné en 2019 afin de mettre en avant sa culture. À la question de savoir si l’existence de plusieurs cultures peules et ses voyages ont influencé son approche artistique, Amadou répond que seule la culture Peule se reflète dans son travail, même s’il est difficile de parler d’une « culture Peule » du fait de sa diversité.

En effet, les peuls sont un peuple que l’on retrouve dans de nombreux pays du continent. Mais notre artiste espère que ceux qui connaissent la culture Peule pourront en reconnaître les éléments caractéristiques dans ses tableaux. Par exemple le bâton peul, un élément clé de notre culture, parce qu’il permet de guider le troupeau dans la brousse.

Une telle exposition de sa culture n’a pas toujours été facile pour l’artiste qui a vécu des coups durs au Nigeria. À cause des conflits entre paysans et bergers nomades, son travail en a pâti. Lui qui travaille plus sur les nomades peuls, ses expositions sont souvent mal vues par certaines personnes qui voient en eux des criminels ou des bandits. D’ailleurs, Sanda Amadou s’est retrouvé en prison au Nigeria, mais il ne laisse pas cela le décourager et se mettre en son art et lui.

Des tableaux poignants

Les tableaux de Sanda Amadou sont des tableaux poignants dont les titres eux-mêmes sont lourds de sens. « Zone Interdite, Gardien des esprits, Retour à la source, L’épanouissement. » Ce sont des tableaux rigoureusement structurés avec une peinture très ordonnée, très plate. À l’intérieur de la pièce apparaît une partie sculpturale, plasticienne, symbolisant une sorte de forêt ; et au cœur de l’œuvre domine un espace vide.

S’agissant de Forbidden Zone, l’une de ses séries exposées à AKAA par galerie néerlandaise OpenArtExchange, Amadou explique que ce titre vient des forêts sacrées retrouvées au Bénin et de l’espace inoccupé qui existe toujours dans ces forêts. Un espace inoccupé dédié aux rituels et à la divinité et réservé aux adeptes et initiés. Amadou n’aime pas utiliser le mot vaudou alors il parle de zone interdite. Qui dit divinité dit règles à respecter afin de préserver les forêts et la nature. À travers ces tableaux, l’artiste béninois veut montrer comment passer par le sacré pour préserver l’environnement.

Quant au choix des couleurs, Amadou explique qu’il n’aime pas les couleurs vives et préfère les couleurs ternes comme le jaune ocre, le gris, le noir ou encore le « blanc sale ». Sur ses tableaux, il utilise une matière composée des tresses faites à base de mèches synthétiques, très populaires au Bénin et en Afrique. Après avoir coloré ces mèches avec de l’acrylique, il va les coller au tableau en prenant le soin de laisser l’espace réservé aux divinités.

Art plastique et environnement

L’idée des tableaux avec des tresses lui a été inspirée par les femmes du Bénin, qui ont l’habitude d’arborer ces tresses. Amadou a décidé de se servir des mèches pour représenter les forêts. À travers ses tableaux, il veut également parler de l’urgence de la préservation de la planète.

Que ce soit au Bénin ou ailleurs, le changement climatique est une réalité et il est du devoir de chacun, d’agir pour le bien de la seule planète que nous avons. De prendre conscience de l’urgence de la situation et de changer ses habitudes. Amadou pense que la sensibilisation n’est pas efficace à 100% et est d’avis qu’on puisse sacraliser toutes les forêts du monde pour changer la donne et permettre aux gens de respecter la nature.

C’est la raison pour laquelle il a réalisé la série Les lieux sacrés. Car l’attitude des personnes change automatiquement à mesure qu’on parle de forêt sacrée. Elles savent qu’il y a des règles à ne pas transgresser qu’elles respectent. Cependant, l’artiste reconnaît que la croyance aux divinités n’est pas aussi forte et présente en Occident, qu’elle l’est chez les africains.

Sanda Amadou a également évoqué la communication avec la nature qui est monnaie courante dans son Bénin natal. Quand un homme a besoin d’une plante, il lui demande la permission de se servir, avant de prendre ce dont il a besoin, plante, écorce, racine, etc. Arracher toute une plante, c’est en replanter une autre afin d’éviter des répercussions. Pour eux, formuler une demande orale à une plante avant de se servir, c’est faire preuve de considération envers elle. Un acte très important pour l’homme et la nature.

Les œuvres de Sanda Amadou étaient en exposition à la galerie OpenArtExchange à AKAA, du 21 au 23 octobre dernier à Paris, Carreau du Temple. Il faisait partie des 130 artistes que 38 galeries internationales exposaient à AKAA, la principale foire française pour les artistes d’Afrique et de ses diasporas.

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