Mali : l’affaire des 49 soldats ivoiriens prend des proportions démesurées

Mali : l'affaire des 49 soldats ivoiriens prend des proportions démesurées Actualité & Info | Éditions Afrique

Dans l’affaire des 49 soldats ivoiriens retenus au Mali, la Côte d’Ivoire a décidé de faire appel à l’intervention de la Cedeao afin de parvenir à la libération des 46 soldats toujours en détention à Bamako. Non contents des demandes de Goïta, Abidjan a même fait appel à l’UA ainsi que l’ONU pour faire pression sur Bamako. Un revirement que le Mali dénonce et qui va sans doute, avoir des conséquences.

Selon le Mali, la Côte d’Ivoire est en train d’essayer de manipuler la vérité en se faisant désormais passer pour une victime. Une bataille diplomatique est prévue à New York cette semaine.

Souvenez-vous, il y a quelques mois 49 soldats ivoiriens s’étaient rendus au Mali dans le cadre de la Minusma, selon les justificatifs apportés par leur gouvernement après qu’ils ont été arrêtés à l’aéroport international de Bamako en tant que mercenaires venus sur le territoire malien dans le but de mettre à mal le processus de transition et la paix du pays.

Il y a quelques jour, le gouvernement malien acceptait de libérer 3 des 49 soldats et donnait ainsi l’occasion d’entamer de nouvelles discussions. Ce qui était une lueur d’espoir pour les autorités ivoiriennes, s’est transformé en un « chantage inacceptable » selon leurs propres termes.

Et pour cause, Goïta a demandé à Abidjan de lui livrer les maliens faisant objet de mandats d’arrêt internationaux et s’étant exilés en Côte d’Ivoire. D’après les autorités maliennes, ces citoyens sont un danger car d’où ils sont, ils essaient de perturber la transition en cours. Un compromis que la Côte d’Ivoire a du mal à accepter, au point d’avoir recours aux plus hautes instances.

La Côte d’ivoire crie au loup

Au lieu d’y voir une opportunité de dialogue, Abidjan a malheureusement décidé de jouer à un jeu dangereux. Le gouvernement ivoirien se sert désormais de cette proposition d’échange pour accuser son homologue malien d’user de toutes les manœuvres pour arriver à ses fins. Les soldats ne seraient pas des « mercenaires » ainsi que décrits par les autorités maliennes mais plutôt des« otages » qui vont servir les intérêts maliens. Pour enfoncer le clou, Abidjan en est venue à appeler une réunion extraordinaire des dirigeants ouest-africains sur une affaire purement judiciaire et bilatérale.

Ce revirement de situation démontre la volonté des autorités ivoiriennes de se poser en victime et d’exploiter la situation pour fuir ses responsabilités dans cette crise née de ses «manquements» aux règles élémentaires d’engagement de troupes sur le sol d’un État souverain. Pour le Mali, cette initiative ivoirienne n’est rien d’autre qu’une tentative de manipulation visant à entraver la manifestation de la vérité.

Bamako met en garde contre toute instrumentalisation de la Cedeao par les autorités ivoiriennes pour se soustraire de leur responsabilité vis-à-vis du Mali et affirme qu’il n’est «nullement concerné par cette procédure devant l’instance communautaire».

Le gouvernement malien a exprimé sa surprise et son incrédulité dans un communiqué adressé au Conseil National de Sécurité de la Côte d’Ivoire. Un revirement jugé grave par Bamako surtout après que Abidjan a reconnu son implication et sa responsabilité dans la situation, le 3 septembre dernier à Lomé. D’ailleurs, Abidjan s’était même engagé à respecter les procédures de l’ONU, ainsi que les nouvelles règles et dispositions maliennes édictées relatives au déploiement des forces militaires au Mali.

Le gouvernement malien compte se faire respecter

Dans son communiqué, Bamako a tenu à réitérer son attachement aux valeurs que sont la paix et les relations de bon voisinage. Soulignant que son seul enjeu est le «respect de sa souveraineté, sa sécurité nationale et les intérêts vitaux de son peuple».

Et alors qu’ Abidjan réagit, lui aussi a affirmé son attachement aux mêmes valeurs en clamant son innocence ainsi que celle de ses militaires, injustement détenus. Mais c’est donc là tout le nœud du problème. Pour justifier la présence de ses hommes lourdement armés, Abidjan a prétexté une mission de l’ONU au Mali.

Seulement, ils n’avaient ni autorisation, ni ordre de mission, pire encore, les versions des soldats ne s’accordent pas et la sortie de l’ONU n’a fait que renforcer les malentendus et les suspicions maliennes. En effet, la Minusma a clairement indiqué que ces «soldats ne faisaient pas partie des éléments nationaux de soutien».

Le Mali au centre de 03 rencontres diplomatiques dès le 21 septembre à New York

A New York, pas moins de trois rendez-vous internationaux sont prévus, notamment un premier le 21 septembre entre la ministre française des Affaires étrangères et les dirigeants de la Cedeao. Un autre le 22 septembre, entre l’Union africaine et l’Onu. Et le même jour, la Cedeao tiendra une réunion extraordinaire.

C’est durant ces rencontres que la Côte d’Ivoire tentera de monter les partenaires étrangers contre le Mali. Le pays compte utiliser le contentieux entre la France et le Mali sur la question de la plainte devant le Conseil de sécurité pour des appuis aux groupes terroristes, pour ranger Paris dans ses rangs. Et évidemment, la puissance coloniale ne serait pas contre une si belle opportunité de clouer le bec à Bamako.

La presse française a déjà entamé l’opération « battage médiatique » en faisant passer en boucle une déclaration du secrétaire général de l’ONU dans laquelle il dit que les soldats ivoiriens ne sont pas des mercenaires et a également déclaré faire appel aux autorités maliennes pour que ce problème puisse se résoudre. Répondant à ce qui semblait de toute évidence être une question orientée, Antonio Guterres a répondu « Pour vous ce sont des mercenaires ? »

Le Mali reste ferme dans sa démarche

A travers cette manœuvre, Abidjan espère obtenir la libération « sans délai » de ses militaires. Mais le Mali ne se laissera pas faire et compte user de ses moyens diplomatiques pour contrecarrer les plans ivoiriens, de le mettre sur le banc des accusés. Bamako tient fermement et n’a pas l’intention de reculer dans son processus d’affirmation de sa souveraineté. Les autorités sont prêtes à faire face à toutes les tentatives d’intimidation et de diabolisation.

Au vu de la position ivoirienne, l’on est en droit de se questionner sur la médiation togolaise et son avis sur la décision de la Côte d’Ivoire de transformer cette affaire en une crise diplomatique. L’on se demande également jusqu’où ira ce bras de fer entre les deux pays ? Une chose est certaine, pour que la paix et les relations de bon voisinage perdurent, les efforts doivent venir des deux côtés. Le moins que l’on puisse dire jusqu’ici, c’est que cette manœuvre de la partie ivoirienne ne favorise pas l’aboutissement des efforts menés jusque-là par le président togolais.

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