Rwanda: Kabuga, dernier suspect majeur en procès depuis le 30 septembre 2022 dans le cadre du génocide

Rwanda: Kabuga, dernier suspect majeur en procès depuis le 30 septembre 2022 dans le cadre du génocide Actualité & Info | Éditions Afrique

Félicien Kabuga est attendu au tribunal des nations unies pour répondre de ses présumées actions ayant alimenté le génocide rwandais. S’il n’a pas été au front comme les autres génocidaires, sa fortune lui a permis de financer l’achat d’armes et de financer la chaîne de radio-télévision (RTLM) via laquelle se diffusait des messages de haine et d’incitation à la violence vis-à-vis des Hutus. Monsieur Kabuga ne s’est pas présenté à la Haye pour deux raisons principales notamment son état de santé et son désir de changer d’avocat. Le procès se poursuit et les victimes attendent le dénouement de cette affaire qui près de 30 ans plus tard réussit à vivifier des plaies que tout le monde croyait cicatrisées.

Dans sa déclaration liminaire, le procureur Rashid S. Rashid déclare que « pour soutenir le génocide, Kabuga n’a pas eu besoin de brandir un fusil ou une machette à un barrage routier« . Ces propos sont pourvus de sens lorsque l’on considère que l’accusé à l’époque des évènements l’homme était le plus riche du Rwanda. Il détenait des parts importantes à la la Radio-Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), la plus grande station de radio privée. Monsieur Kabuga aurait usé de son influence et de ses moyens pour distiller des messages de haine et génocidaire. Il aurait également financer les Interahamwe, l’achat d’armes et autres équipement ayant participé à tout l’aspect inhumain de ce conflit tribal.

L’ouverture de son procès est marqué par son absence qui s’expliquerait de deux principales manières. Tout d’abord, le vielle homme âgé de 89 ans selon ses dires n’est pas en bonne santé. Ce diagnostic a été confirmé par son médecin traitant et les experts du tribunal. Ensuite, l’accusé avait demandé un changement d’avocat, requête qui a essuyé un refus de la part du tribunal.

Génocide rwandais: Propagande haineuse de la RTLM

Si la responsabilité de l’accusé est fortement liée à son implication à la RTLM, c’est parce que la chaîne pour la quelle il est à le président diffusait des messages anti Hutus. L’ampleur qu’a pris les évènements était de telle sorte que la radio que si l’on donnait les noms et adresses des Tutsi et Hutus modérés. C’est le procureur Rupert Elderkin qui a exposé ces fait devant le tribunal.

L’acte d’accusation relie également Kabuga aux Interahamwe, la partie jeunesse du parti présidentiel MRND qui a été transformée en organisation paramilitaire. Cette milice est considérée comme l’un des principaux responsables du génocide de 1994 contre les Tutsis. Deux de ses dirigeants nationaux ont été condamnés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le tribunal des Nations unies créé pour poursuivre les crimes graves commis en 1994 au Rwanda, tandis que quelques autres sont devenus les principaux informateurs du bureau du procureur du TPIR.

Les avocats de Kabuga balaient du revers de la main toutes les accusations

La défense estime non fondée les affirmations des procureurs. L’avocat Emmanuel Altit aux juges.va jusqu’à dire « On nous raconte un récit schématique, éloigné de toute réalité ». En effet, ce dernier considère les allégations des différents procureurs mettant en lien des évènements dans le fonds disparate.

En outre, Dov Jacobs, membre de l’équipe juridique de Kabuga, considère que les preuves brandies par les procureurs sont « faibles et défectueuses », critiquant l’accusation de ne s’être appuyée que sur quelques sources autoréférentielles. Jacobs rappelle que dans une partie de la preuve du procureur, plusieurs note de bas de page ne correspondent qu’à une seule source.

Les différents avocats ont joué sur la sensibilité en rappelant les modestes origines de l’accusé et son ascension sociale. Kabuga a su grimper les échelons de la société en décrivant son parcours de vendeur de sel, puis d’acteur dans l’immobilier, l’agriculture (culture de thé et café) et la logistique. Ils ont également rappelé que la femme de Kabuga était d’origine mixte hutue et tutsie, à cet effet, « pourquoi Félicien Kabuga, respecté par tous, respecté par les Hutus et les Tutsis, se comporterait-il de telle manière qu’il mettrait toutes ses entreprises et sa famille en danger ? »

Une cavale de plus de vingt ans

Kabuga était le dernier suspect majeur en liberté dans cette affaire. Cependant, selon Brammertz, quelque 1 200 suspects sont toujours en liberté et recherchés par le Rwanda, Mais aucun n’a la notoriété de Kabuga en tant que l’un des principaux facilitateurs présumés du génocide.

La police a retrouvé ce dernier suspect majeur en 2020. Kabuga était caché dans un appartement de la banlieue parisienne. Il avait fui le Rwanda peu avant la prise de Kigali, la capitale du pays, par la rébellion du Front patriotique rwandais, dominée par les Tutsis et qui est au pouvoir depuis lors. Kabuga s’est vu refuser l’asile en Suisse en 1995 avant de disparaître des radars. Il a été inculpé par le TPIR en 1997.

Sa localisation donne aujourd’hui de réellement reprendre les choses malgré son état de santé. Il était initialement prévu qu’il soit envoyé à Arusha, en Tanzanie, où le TPIR avait son siège et où le Mécanisme a une partie de son siège, mais les experts médicaux ont estimé que le transfert serait trop difficile dans son état. Ils ont toutefois convenu qu’il était capable d’être jugé.

Après 20 ans de cavale et malgré un état de santé approximatif le procès suivra son cours

Selon l’acte d’accusation, Kabuga a 86 ou 87 ans, bien qu’il affirme en avoir 89. Les médecins s’accordent à dire qu’il est en mauvaise santé.

Par égard pour sa santé, le tribunal a accepté de limiter la procédure à deux heures par jour, trois jours par semaine. Avec seulement six heures hebdomadaires disponibles, le procès devrait progresser lentement. « Le temps est essentiel ici, nous espérons donc que ce procès pourra se dérouler aussi vite que possible », assure Brammetz.

Compte tenu des limites du calendrier du procès, le procureur général s’attend à ce que les présentations de l’accusation durent jusqu’au printemps 2023 et prédit que la défense poursuivra probablement jusqu’à l’été.

En janvier 2021, Altit a déposé une requête auprès du tribunal pour être remplacé en tant qu’avocat de la défense. Il a été désigné comme l’avocat de Kabuga, mais, selon la requête, il existe « des points de vue divergents entre Kabuga et l’équipe de défense sur la façon dont l’affaire devrait être menée ».

Abonnez-vous gratuitement à notre bulletin d'information et recevez au quotidien les dernières infos et actualités en Afrique.
Quitter la version mobile