Union Africaine : Les Africains y croient-ils encore ?

Union Africaine : Les Africains y croient-ils encore ? Actualité & Info | Éditions Afrique

C’était le 9 juillet 2002, au Stade Kings Park à Durban, lorsque l’Organisation de l’unité africaine (OUA) tenait son dernier sommet avant de devenir officiellement l’Union Africaine (UA), avec la présence de nombreux chefs d’états du continent, qui vibraient tous au rythme des vuvuzelas, de musique militaire et de danses zouloues. À l’origine, Kadhafi qui demande à ses collaborateurs et homologues de remplacer ce qui était alors selon lui, une union moribonde jusqu’ici, par une union nouvelle et pragmatique qui ouvrirait la voie aux États-Unis d’Afrique.

Sur le podium, entouré d’amazones en uniforme, Kadhafi déclare que cette nouvelle union acceptera ceux qui veulent les aider à atteindre leurs objectifs et refusent ceux qui ont pour intention, de leur dicter ou imposer leurs propres conditions. De Wade, Mbeki, Mugabe, à Moubarak, Dos Santos, Kabila, en passant par Gbagbo, Déby, Bongo, El-Béchir, Zenawi, tous ces présidents ont assisté au sommet en acceptant de rejoindre le guide libyen de cette époque, dans sa quête d’une Afrique libre et meilleure. Sous les cris et les applaudissements, Kadhafi conclut son discours par l’un de ses slogans favoris : « Une terre africaine pour les Africains ! »

L’Union Africaine, 20 ans plus tard

En 2022, soit 20 ans après l’établissement de l’UA, l’heure est au bilan. Selon les termes d’un rapport de sa commission publié il y a trois ans, l’Union Africaine « a continué à imiter l’Union européenne en termes de structure institutionnelle et de trajectoire d’intégration ». Force est donc de constater qu’elle est loin d’avoir atteint ses objectifs puisqu’elle suit un modèle qui n’est pas forcément le plus adapté au continent.

Malgré cela, l’on ne peut pas nier tous les progrès qu’elle a réalisés en ce qui concerne le continent.

Sur le plan politique et économique

L’UA s’est différenciée de l’OUA en laissant une approche qui prônait la non-ingérence politique pour la non-indifférence qui met en avant la condamnation du principe des coups d’État et des changements anticonstitutionnels de gouvernance.

Entre 2016 et 2018, Paul Kagame mène une refonte institutionnelle qui aura plusieurs retombées positives pour le continent. En effet, ce projet débouche sur des propositions fortes d’efficacité opérationnelle, de recentrage sur un nombre réduit de domaines et de solutions proactives pour réduire la dépendance financière de l’organisation vis-à-vis des donateurs étrangers. Touchant à la fois des problèmes d’ordre politique et aussi économique.

En 2019, l’UA lance la Zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA), un projet de grande envergure et d’une importance non négligeable puisqu’elle entend faciliter la circulation des personnes et des biens dans tout le continent. Malgré tout le statut qu’il revêt, sa mise en œuvre a rencontré de nombreuses difficultés, du fait qu’elle doit être ratifié par tous les parlements des pays membres ; ce qui suppose un principe de circulation des citoyens qui est loin d’être acquis.

Le point de vue des africains

Avec tous ces accomplissements, l’on pourrait croire que l’UA fait l’unanimité auprès de tous, hélas ! À l’heure actuelle, les africains, en principe premiers bénéficiaires de tous les projets et avancées de l’UA ne la voient pas d’un bon œil. Pis encore, ils la jugent comme inutile et inefficace et estiment qu’elle a échoué dans la résolution des problèmes pour lesquels elle a été créée.

Les africains reprochent à l’UA de donner au monde l’illusion de servir les différentes populations à travers le continent, alors qu’en réalité, seule sa survie compte. Et sa survie passe par le maintien des fonctionnaires qu’elle emploie et des chefs d’État qui siègent à son conseil d’administration en tant qu’agents autoproclamés du pouvoir.

Des dirigeants qui s’accrochent au pouvoir et à leurs privilèges, et refusent de renforcer les capacités des institutions de l’UA. Ses dirigeants qui ne veulent pas déléguer et surveillent de près, d’un peu trop près d’ailleurs, le président de la Commission.

Une Union Africaine décevante qui peine à adresser les véritables problèmes du continent et préfère s’atteler à la création d’institutions dont les missions et l’utilité restent floues pour les communautés africaines qu’elles sont censées servir.

Des institutions inutiles

Parmi ces institutions, le Parlement panafricain, censé représenter l’assemblée consultative de l’UA. Mais, celui-ci est constamment en proie à des conflits internes, et ses quelques 200 députés issus des parlements nationaux, font face à des accusations de mauvaise gestion. Le Conseil économique social et culturel (ECOSOC), qui rassemble les organisations de la société civile, les associations et les syndicats. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, sans oublier la Direction des citoyens de la diaspora (CDD).

Cette longue liste non-exhaustive vient s’ajouter à tous les autres projets mort-nés de l’UA, la Banque centrale africaine, le Fonds monétaire africain ; des projets qui peinent à voir le jour, à l’instar du Conseil de paix et de sécurité (CPS) ou le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), qui font l’objet d’une enquête de ce mois-ci.

Quel avenir pour l’UA ?

L’UA telle qu’elle est constituée et telle qu’elle opère, ne peut ni se relever ni aider le continent à prospérer. Ce dont le continent a besoin, c’est d’une UA professionnelle et indépendante, des attributs dont elle manque cruellement.

Mais cela ne veut pas dire qu’elle est condamnée à l’échec ; elle peut atteindre ses objectifs et pour y parvenir, il est important de prendre des mesures drastiques. Et qui dit mesures drastiques, implique de se débarrasser de l’assemblée des chefs d’état qui se sert de ses pouvoirs pour agir en toute impunité et passer outre les organes exécutifs, législatifs et juridiques de l’UA.

C’est en protégeant les africains et leurs intérêts, en les plaçant au cœur de tous les projets et initiatives, et en agissant face aux gouvernements rebelles et ennemis du progrès, que l’UA réussira à rétablir ce lien de confiance entre elle et les milliards de citoyens qui, à un moment de leur histoire, ont cru bon de lui confier leur avenir. Mais seulement, au vu de la position des dirigeants au sein de l’organisation, tout ceci relève plus d’une utopie qu’autre chose.

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