Lutte contre le blanchiment des capitaux : le Cameroun est dans le collimateur du GABAC

Lutte contre le blanchiment des capitaux : le Cameroun est dans le collimateur du GABAC Actualité & Info | Éditions Afrique

A l’issu de deux évaluations, le Cameroun obtient la note « élevé » représentant la mauvaise prise en main de la lutte anti blanchiment d’argent par les autorités compétentes. Le ministre des finances Louis Paul Moutaze conscient des risques de ce fléau met sur pied un comité de surveillance et de réflexion piloté par l’agence nationale d’investigation financière l’ANIF.

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au Cameroun se porte mal. En effet, après une évaluation menée par le gouvernement camerounais et le groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique (GABAC), le pays obtient la note « élevé », et est désormais dans le collimateur de l’institution en charge de la répression de ce fléau.

Cette note est le reflet du dispositif juridique et technique mis sur pied pour lutter contre le blanchiment d’argent au Cameroun. Ce risque élevé serait tributaire des pesanteurs administratives et techniques qui freinent la mise en œuvre des recommandations du GABAC en matière de lutte contre la prolifération de ce crime qui a un impact tant sur stabilité économique que politique du pays. Telles sont les remarques qui ont été faites lors de la deuxième session de formation des magistrats et officiers de police judiciaire du 11 au 13 mai 2022 à Douala.

Le ministre des finances du Cameroun, Louis Paul Moutaze s’interroge quant au manque de pragmatisme constaté alors que la première évaluation qui avait déjà été menée par les acteurs nationaux mettait en lumière la hausse du risque du blanchiment de capitaux.  » Qu’est ce qui pourrait expliquer l’absence de décisions pour blanchiment, alors même que d’après l’évaluation nationale des risques conduites par nous même, le risque de blanchiment est jugé élevé, à cause des multiples facteurs de vulnérabilité que présente notre dispositif ? Ensuite, comment comprendre que les rapports envoyés par l’ANIF aux différentes autorités de poursuites, et dont la qualité est jugée en bonne, non seulement par les autorités saisies, mais aussi par les experts du GABAC, n’aboutissent pas encore à des condamnations pour blanchiment ? Enfin, à quel niveau de notre dispositif se trouverait le problème ?« 

La première session de formation des magistrats qui s’était tenue du 24 au 27 novembre 2020, interpellaient ces derniers à considérer et à condamner les cas de blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme observés dans leur juridiction. Cependant, nous observons des dysfonctionnements qui contribuent à faire progresser le phénomène dans le pays. En effet, le nombre de déclaration de soupçons reçu par l’ANIF est passé de 450 à 782 entre 2019 et 2020 ; 300 rapports ont été transmis aux autorités judiciaires en 2020.

Le Cameroun avait déjà reçu le 22 mars 2022  du président du GABAC Marcus Pleyer, une lettre d’observation quant aux lacunes et insuffisances du dispositif camerounais en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Il rappelle au gouvernement que la lutte contre se fléau est du ressort de trois acteurs principaux à savoir les professions assujetties, l’agence nationale d’investigation financière, les autorités de poursuite des réflexions. Si les deux premiers font leur travail, « les autorités se heurtent à l’absence de loi sur le blanchiment de capitaux. » a affirmé le Directeur Général de l’ANIF, Hubert Nde Sambone.

La situation est d’autant plus alarmante quand l’on considère la situation sécuritaire dans plusieurs régions le pays. On observe une activité continue et les interrogations quant au financement du terrorisme se veulent pressantes. Même s’il n’existe pas de lien avéré entre la note élevé et les activités terroristes, il est judicieux de considérer que les lenteurs et négligences dans une certaine mesure favorise le transfert des fonds vers des zones à risque.

Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont étroitement liés à la traçabilité des transactions financières. En effet, le système devrait être en mesure de renseigner tant sur la provenance que la destination des fonds, afin d’intercepter les actions suspectes. Le problème de traçabilité est accentué par la technicité des innovations financières et le faible taux de bancarisation.

L’innovation financière qui a le vent en poupe en Afrique subsaharienne en général et au Cameroun en particulier est le Mobile Money. Celle-ci a gagné du terrain et à su conquérir les personnes qui étaient à la marge du système bancaire classique. Proposant des conditions de création simple, et des frais abordables, votre numéro de téléphone fait tout de suite office de numéro de compte. Emmanuel Tassembedo, Directeur commercial d’orange Cameroun fait savoir à la presse lors des festivités de leur première décennie que le volume de transaction annuel s’élève à 9600 milliards de FCFA, soit 800 milliards mensuel. (Source : agence ecofin, orange Cameroun revendique 70% des parts de marché du mobile au Cameroun avec 800 milliards de transactions mensuelles, 07 juillet 2021)

Sachant que le secteur informel occupe une place prépondérante dans nos économies, il facile d’estimer le montant des sommes qui échappent au contrôle des autorités compétentes. Ceci est d’autant plus vrai alors que dans un rapport émis en 2017 par le GABAC, portant sur les nouveaux moyens de paiement face aux défis de la lutte anti blanchiment d’argent et contre le financement du terroriste  dans la zone CEMAC, il a été révélé que le taux de bancarisation s’élève à 11% dans toute la sous-région.

Conscient des conséquences considérables que peut avoir le blanchiment sur l’économie nationale : « le blanchiment de capitaux peut entrainer des bouleversements de notre équilibre macroéconomique, le discrédit de notre système financier, et la perte de confiance de nos partenaires financiers internationaux. ». Le ministre des finances camerounais s’engage de manière pratique à œuvrer contre ce fléau. Un comité de surveillance et de réflexion a été mis sur pied à cet effet dans le but de d’apporter des solutions aux problèmes soulevés par le GABAC. Ledit comité est supervisé par le ministre des finances, piloté par l’ANIF, les autres membres ayant été nommés le 14 avril 2022.

Par ailleurs, le gouvernement devrait intégrer dans ses démarches la mutation de la menace de blanchiment du fait des nouvelles technologies. En effet, les nouvelles technologies ont créé de nouveaux produits, de nouvelles méthodes et des cybers espace qui fonctionnent parfois en parallélisme avec l’économie réelle.  Les appréhensions autour de l’adoption du bitcoin par la RCA sont justifiées par la difficulté qu’auront les autorités à contrôler les sommes qui transiteront par ce canal, sachant que cette monnaie virtuelle n’est soumise à aucune banque centrale. Ceci mettrait en péril la crédibilité du système financier et le climat sécuritaire déjà très gris.

Le comité de surveillance supervisé par le ministre des finances devraient donc être constitué de personnes habiles et capables de proposer des solutions à l’acabit de la migration vers un système financier de plus en plus dématérialisé.

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