Nigéria : Victime malgré lui de la guerre en Ukraine

Nigéria : Victime malgré lui de la guerre en Ukraine Actualité & Info | Éditions Afrique

Le Nigéria face depuis une dizaine d’années qu’au groupe armé Boko Haram qui sème la terreur par des attaques criminelles répétitives. Des milliers de personnes ont dû être déplacées, fuyant leurs maisons à la recherche d’un refuge, tandis que de milliers d’autres perdaient la vie aux mains des rebelles. Alors que ni les attaques, ni les déplacés n’ont cessé, les conditions de vie, elles deviennent de plus en plus difficiles. L’alarme a été sonnée, mais les réponses se font attendre.

C’est en 2009 que le groupe terroriste Boko Haram a lancé sa campagne criminelle, donnant ainsi naissance à l’une des pires crises humanitaires au monde.

Conséquences des fermetures des camps

Entre écoles, hôpitaux, institutions, équipements sociaux, maisons et plantations, les dégâts matériels causés par Boko Haram dans la région du nord-est nigérian, sont aussi nombreux que les pertes en vies humaines.

Cette situation a conduit à un besoin d’aide plus que urgent des communautés touchées, plus particulièrement les femmes et les enfants. Jusqu’en 2020, les déplacés trouvaient refuge dans les campements non officiels et les camps gérés par le gouvernement à Maiduguri, la capitale de l’État de Borno et l’épicentre des efforts humanitaires.

Mais, à cause des activités liées à la prostitution et à la drogue, les responsables de l’État ont commencé à fermer les camps, en déclarant qu’il s’agissait d’une mesure nécessaire visant à donner aux déplacés une dignité et un but. Après cela, des milliers de déplacés ont quitté Maiduguri pour d’autres cieux, notamment Bama, la ville voisine.

Seulement, cette mesure n’a pas été pas sans conséquence puisque ces personnes ont fini par avoir des difficultés pour se nourrir et subvenir à leurs besoins. Il faut dire que dans le nouveau camp de Daluri II, la nourriture est rationnée, contrairement à Maiduguri où les déplacés parvenaient au moins à manger à leur faim.

Plus une illusion qu’une solution

Lorsque le camp de Maiduguri a été fermé en juillet 2020, environ 66 000 personnes ont été relogées dans 10 zones du gouvernement local de Borno, dont Bama, Mungono, Damboa et Konduga.

Initialement prévu pour 20 000 personnes, le camp de la Government Senior Science Secondary School (GSSSS) a vu le nombre de déplacés atteindre les 85 065 personnes le mois d’août suivant, selon les chiffres donnés par les responsables du camp de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

D’après le professeur et analyste des affaires publiques à Maiduguri, Khalifa Dikwa, la fermeture des camps était l’occasion d’offrir aux déplacés la possibilité de rentrer chez eux, tant donné le coût cher de la vie dans la ville. Pour lui, un retour chez eux signifiait l’accès à une vie moins chère, à des voisins et à des terres agricoles à cultiver pour pouvoir se débrouiller seuls.

Mais, cette façon de voir les choses s’apparente plus à une illusion qu’à une solution. Les observateurs craignent que la fermeture des camps à Maiduguri ne prive des milliers de personnes de l’accès aux services essentiels et les conséquences de la crise ont diminué l’accès des agriculteurs aux semis et aux engrais. Les poches d’attaques des combattants dans les communautés éloignées ont également réduit les activités agricoles, dans toute la région.

En 2021, les médias locaux citant l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture ont déclaré que les combats avaient privé 65 800 agriculteurs de l’accès aux fermes et aux intrants agricoles dans la région du nord-est. De telles conditions ne sont pas favorables pour un retour dans leurs maisons d’origine. Pour le moment, ces déplacés n’ont d’autre choix que de survivre.

Crise humanitaire, crise d’attention

S’il y a une chose que la crise nigériane a enseignée, c’est que désormais il faut faire une course à l’attention afin de recevoir de l’aide et à cet exercice, les africains s’en vont déjà perdants.

Des centaines de personnes ont déjà été tuées dans les attaques de Boko Haram, laissant des familles démunies, livrées à elles-mêmes et totalement perdues. Selon les Nations Unies, environ 5,5 millions de personnes de la région du nord-est nigérian ont besoin d’une aide humanitaire.

Malgre uun appel à l’aide dont le but était de collecter plus d’un milliard de dollars, lancé par le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU, seuls 40% ont été réunis. Ce bas taux est surtout dû au fait que la plupart des donateurs internationaux ont mis la priorité sur l’Ukraine qui se bat contre la Russie depuis fin février 2022.

À cause de la crise russo-ukrainienne, la crise nigériane est passée au second plan. Matthias Schmale, résident et coordinateur humanitaire des Nations unies au Nigeria a déclaré que le monde sera témoin de la mort davantage d’enfants et d’adultes si le minimum d’aide n’est pas fourni. L’absence de soutien financier conduira inévitablement vers une crise de famine qui tuera des milliers de personnes.

Selon l’OCHA, au total, il y a au Nigéria, quelques 8,4 millions de personnes, principalement des femmes et des enfants, dans les États de Borno, Adamawa et Yobe ont besoin d’une aide humanitaire. C’est très inquiétant qu’en 2022, un chiffre aussi élevé et toutes les autres données présentées, ne suffisent pas à attirer l’attention des donateurs sur la crise qui sévit au Nigeria. Nous espérons que ces personnes survivront avant qu’il ne soit trop tard, mais l’espoir seul ne suffira pas.

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