Afrique du Sud : Organisation des funérailles nationales pour les 21 victimes du club

Afrique du Sud : Organisation des funérailles nationales pour les 21 victimes du club Actualité & Info | Éditions Afrique

Après que 21 jeunes mineurs pour la plupart, ont perdu la vie dans une boîte de nuit de Scenery Park, une communauté ouvrière de la ville côtière sud-africaine d’East London, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a demandé que soient rapidement poursuivies les coupables.

Mercredi, le président a prononcé l’éloge funèbre lors des funérailles nationales symboliques des victimes, dont l’âge varie de 13 à 20 ans.

Une situation regrettable

C’est dans la nuit de dimanche à lundi que ces jeunes ont perdu la vie alors qu’ils se trouvaient dans la boîte de nuit Enyobeni Tavern de la ville, qui se trouve à près de 1 000 km au sud de Johannesburg. La plus jeune victime Thembinkosi Silwane, n’était âgé que de 13 ans.

La cérémonie funèbre a accueilli des milliers de personnes en deuil, parmi lesquelles des représentants du gouvernement, des camarades de classe des victimes et des personnes des communautés voisines. Lors de la cérémonie, il y avait dix-neuf cercueils vides qui remplissaient un grand chapiteau, puisque la majorité des familles ont décidé d’organiser des funérailles privées plus tard dans la semaine. Mardi, une victime a été enterrée, tandis que deux autres ont été inhumée mercredi.

D’après les propos de M. Ramaphosa, « un Sud-Africain sur quatre a consommé de l’alcool avant l’âge de 15 ans ». Une situation qui d’après lui, doit absolument changer grâce aux efforts de tout le monde en tant que nation et à laquelle il a proposé comme solution la fermeture permanente des entreprises qui sont trouvées en train de vendre de l’alcool aux mineurs.

Durant sa prise de parole, le président sud-africain a déclaré que la faute revenait à ceux qui font passer leurs intérêts avant la vie des enfants du pays dont il est à la tête. Il a pointé d’un doigt accusateur, les entreprises sans scrupules qui vendent de l’alcool aux mineurs et qui attirent ceux-ci dans les lieux de dépravation à base de promesses d’alcool gratuit et de marketing agressif. Cette déclaration est survenue après qu’il a qualifié de « honteuse » la réaction de certains membres de la communauté qui ont reproché aux parents des victimes et aux victimes elles-mêmes de s’être rendus dans le club où ils ont fini par perdre la vie.

Les responsables dans le viseur

Dans ses commentaires, Bheki Cele, le ministre de la police, n’y est pas allé de mains mortes, déclarant aux personnes en deuil : « Nous voulons que ce jour soit un jour de paix, mais cela ne signifie pas que la guerre n’arrive pas. » Il a relevé la nécessité de punir toutes les personnes responsables que ce soit le gouvernement national, le gouvernement provincial, la municipalité, les agents de police, les régulateurs des permis d’alcool et les propriétaires de tavernes, « quelqu’un, quelque part, doit répondre de cela », a-t-il déclaré.

Dans l’optique de ne pas laisser ces crimes impunis, le propriétaire de la taverne Enyobeni et sa femme ont reçu une plainte de la part de L’Eastern Cape Liquor Board peu de temps après l’incident. L’entité gouvernementale qui réglemente la vente et la fabrication d’alcool, a accusé Siyakhangela et sa femme, Vuyokazi Ndevu, d’avoir prétendument vendu de l’alcool à des mineurs.

De leur côté, les services de police sud-africaines (SAPS) n’ont procédé à aucune arrestation et attendent toujours les résultats des enquêtes sur les causes de la mort des victimes. Interviewé par Al Jazeera, le commissaire de la police nationale, Fannie Sehlahle a déclaré que ses collègues et lui étaient dans l’attente des résultats médico-légaux en rappelant au public qu’il s’agissait d’une procédure longue. « Le département de la santé est responsable du côté médico-légal de l’enquête et des rapports de toxicologie » a-t-il précisé.

Les circonstances du décès des 21 jeunes

La semaine dernière, un témoin a déclaré à Al Jazeera que la situation a dégénéré lorsque la taverne s’est retrouvée bondée. Pendant que les agents de sécurité demandaient aux gens de partir, une grande foule à l’extérieur forçait le passage pour entrer rejoindre la fête.

La survivante de 17 ans a révélé à la chaîne d’information que à la suite du refus de la foule majoritairement adolescente de coopérer, un agent de sécurité a fermé les portes du lieu, avant de décharger une substance chimique dans l’air. « Je ne suis pas sûre de ce qui a été pulvérisé là-bas, mais certains ont dit que la sécurité a pulvérisé quelque chose », a-t-elle dit.

L’adolescente traumatisée, a avoué avoir des flashbacks de certaines des personnes qui sont mortes juste sous ses yeux. « Je n’ai jamais vu ça de ma vie. » A-t-elle poursuivi, un témoignage supporté par d’autres témoins, dont un survivant de 14 ans qui a déclaré déclaré au média local, TimesLIVE, qu’une « odeur forte et suffocante s’est répandue dans la salle ». D’autres survivants ont également affirmé avoir souffert de tremblements dans les genoux et d’avoir eu des sensations d’étouffements, ainsi que des difficultés respiratoires, avant de voir leurs amis mourir.

Le gouvernement critiqué

Les funérailles nationales n’ont pas été une initiative appréciée de tous. Pour Vuyo Zungula, législateur de l’opposition et président de l’Africa Transformation Movement, cette cérémonie n’était rien d’autre qu’un abus de pouvoir de la part des autorités sud-africaines. « Dans notre culture, on ne fait pas un enterrement pour la télévision et la grandiloquence politique. On aurait dû appeler cela un service commémoratif, car les familles ont choisi d’enterrer leurs enfants en privé », a-t-il déclaré à Al Jazeera.

Les partis d’opposition et la société civile ont quant à eux qualifié les funérailles de « culturellement insensibles » et de tentative du « gouvernement de l’ANC de masquer son incapacité à faire respecter la loi ».

Pour Zungula, le système de police sud-africain est inefficace et est la cause profonde de toute la criminalité dont nous sommes témoins. Il a affirmé que la communauté de Scenery Park, à elle seule, avait de nombreuses tavernes qui fonctionnent illégalement et qui vendent de l’alcool aux mineurs, ce qui est le cas dans le reste du pays. « Il n’y a tout simplement aucune application de la loi et jusqu’à ce qu’une autre tragédie frappe, nous continuerons à voir la police et le gouvernement agir comme s’ils s’en souciaient. »

D’autres personnes se sont exprimées sur la tragédie de Enyobeni, notamment Phinah Kodisang, directrice de l’institut à but non lucratif Soul City Institute for Social Justice, basé à Johannesburg, qui a déclaré que des incidents comme celui-là, se produisent de manière spécifique à travers les lignes raciales et de classe. Des événements qui constituent un rappel du manque de transformation de l’Afrique du Sud.

Elle a déclaré qu’après des audits menés dans les communautés majoritairement noires les jeunes avec lesquels son institut œuvre à travers l’Afrique du Sud, ils ont constaté que dans certains cas, il y a plus de détaillants d’alcool que de bibliothèques et de centres de loisirs dans deux régions. « Cela montre les facteurs structurels qui non seulement permettent mais aussi encouragent la consommation d’alcool comme divertissement et comme mode de vie » a-t-elle ajouté.

Selon elle, même si l’Afrique du Sud se bat continuellement pour faire face de manière efficace aux conséquences de l’apartheid, la mise en œuvre de politiques qui protégeraient les jeunes, telles que des politiques plus strictes en matière d’alcool, est nécessaire et urgente.

L’Afrique du Sud n’est pas le seul pays du continent à subir les effets du sous-développement qui se traduit par une population de plus en plus alcoolique. Des mineurs aux majeurs, peu importe la classe sociale, dans plusieurs pays africains, l’alcool et les lieux de loisirs sont les endroits préférés des populations soumises au chômage, au manque de pouvoir d’achat, au faible taux du smic et plus récemment, à l’inflation qui leur rend la vie impossible. Des politiques strictes en matière d’alcool, entre production et consommation sont une urgence et un problème de tous.

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