Nigeria : Meurtre d’une étudiante pour « blasphème »

Nigeria : Meurtre d'une étudiante pour "blasphème" Actualité & Info | Éditions Afrique

Le Nigeria, l’un des pays les plus peuplés du continent, qui s’est toujours targué d’être un exemple de tolérance religieuse et de laïcité est complètement retourné et sous le choc à la suite du meurtre effroyable de l’étudiante Deborah Samuel le 12 mai.

D’abord violemment battue par ses camarades avec des pierres, c’est le visage en sang, que l’on découvre dans les vidéos partagées sur les réseaux sociaux, la victime Deborah Samuel. Allongée au sol, inconsciente, elle sera ensuite ensevelie sous des pneus que ses agresseurs mettront en feu. La suite est fatale, Deborah décède sous les flammes.

Que s’est-il passé ?

Deux versions s’opposent quant à la véritable raison derrière cet acte barbare.

Tout aurait commencé après que la défunte Deborah a posté un audio dans un groupe Whatsapp, audio dans lequel elle aurait tenu des propos jugés offensants à l’égard du Prophète Mahomet. Si c’est cette version qui a d’abord été retenue, il est important de noter qu’elle aurait été réfutée par l’ONG Christian Solidarity Worldwide. En effet, pour l’organisation, il s’agirait plutôt de propos qui laissaient exprimer la frustration de la victime face à la discrimination subie par les étudiants chrétiens.

Selon l’autre version, Deborah aurait demandé à d’autres élèves de ne pas publier de documents religieux dans un groupe Whatsapp destiné aux travaux scolaires.

Si tout ceci est encore flou, la véritable certitude et ce qu’il est important de retenir c’est que rien ne justifie un tel acte, une telle barbarie. Chaque crime doit être puni par la loi et en justifier un en mentionnant la religion est un raccourci inacceptable. En attendant que cela soit fait, les chefs religieux appellent au calme entre les communautés musulmane et chrétienne.

Un meurtre loin d’être un cas isolé

S’il faut reconnaître que le meurtre de Deborah est un acte barbare qui mérite d’être puni, il est important de rappeler que ce n’est malheureusement pas le premier cas de crime religieux dans le pays. En effet, bien avant Deborah, il y a eu d’autres meurtres ayant pour mobile la religion au Nigeria.

Selon l’ONG Intersociété, la Société internationale pour les libertés civiles et l’État de droit, entre 11000 et 12000 chrétiens ont été tués au Nigeria depuis juin 2015, lors de l’arrivée au pouvoir du président Muhmmadu Buhari pour un premier mandat de quatre ans. À la suite de l’incident, l’école a été fermée immédiatement, et le sultan de Sokoto et les gouverneurs du nord ont condamné le meurtre.

Dans le cas Deborah Samuel par exemple, bien que des arrestations aient eu lieu, les charges retenues étaient simplement « conspiration criminelle et incitation à des troubles publics », ce que beaucoup dans le pays ont dénoncé avec raison.

Blasphème et charia

Depuis les années 2000, les chrétiens nigérians sont soumis à des actes de violences de plusieurs types. Cela est dû à l’application de la Charia, une loi islamique dans les États du Nord où l’islam est la religion dominante.

Sokoto (État dans lequel ont eu lieu les incidents) est un État du nord qui pratique la charia, et la Cour suprême du Nigeria reconnaît le blasphème comme une infraction à la charia passible de la peine de mort. Cela dit, elle précise que le blasphème « doit être établi par des preuves devant un tribunal » et que « la mise à mort est contrôlée et sanctionnée par les autorités ».

Entre justice et religion

Connaissant déjà tout le contexte autour de ce crime, nous sommes en droit de nous demander si justice sera vraiment faite et si le meurtre de Deborah sera effectivement puni.

Le superviseur général adjoint de la Redeemed Christian Church of God chargé de l’administration et du personnel, le pasteur Johnson Odesola, a déclaré : « Le Nigeria est un, le Nigeria est un pays laïc, pas un pays religieux », nous espérons que cela se reflétera dans le jugement et la condamnation des personnes impliquées et inquiétées.

Réactions dans le nord

À la suite des arrestations, des manifestations de jeunes ont eu lieu à Sokoto pour demander la libération inconditionnelle des personnes détenues. Le gouvernement de l’État a réagi en imposant un couvre-feu de 24 heures dans l’État.

Le Forum des gouverneurs du Nord (NGF) a condamné le meurtre, et son président, le gouverneur Simon Lalong de l’État du Plateau, a publié une déclaration. Le gouvernement de Kaduna a interdit les manifestations liées à l’activité religieuse dans l’État, avec effet immédiat.

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