Sénégal : La présidentielle de 2024, une élection qui s’annonce serrée

Élection présidentielle Sénégal

Si une chose en laquelle les élections législatives de juillet dernier au Sénégal ont été utiles, c’est qu’elles ont servi d’alerte pour le régime actuel et de test pour l’opposition avant les présidentielles de 2024. Et ce qu’on peut dire, c’est que l’opposition a su gagner du terrain malgré une campagne tendue et un faible taux de participation électorale étant de 46% uniquement.

En effet, durant ces législatives, on a pu constater que sur les huit grandes coalitions politiques engagées dans la course électorale, deux sont ressorties victorieuses. Ces élections avaient un grand enjeu puisque les résultats, surtout ceux de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar, seraient utilisés pour mettre en exergue le soutien au président actuel Macky Sall en cas de candidature pour un 3e mandat.

Les bons plans de l’opposition

Pour l’opposition et l’électorat en revanche, ces résultats servaient de test pour voir leur capacité à maintenir la démocratie à flot et à contenir l’ambition prêtée au président Macky Sall de rester au pouvoir.

Alors, test réussi ? Il est peut-être trop tôt pour le dire, surtout que les présidentielles n’auront lieu qu’en 2024 et Macky Sall n’a pas encore officiellement présenté sa candidature. Cela dit, les résultats de l’opposition envoient un message clair.

Avec ses 80 sièges remportés aux législatives, c’est la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, qu’un front d’opposition a réussi à mettre en échec la coalition présidentielle et à imposer un parlement divisé sans majorité absolue.

L’impact sur le scrutin de 2024

On pourrait certes attribuer cette bonne opération de la coalition Yewwi Askan Wi Wallu a la chute de popularité de Macky Sall, mais ce serait malhonnête de ne pas reconnaître les efforts de l’opposition et surtout le rôle clé joué par l’électorat qui ne manque aucune occasion pour exprimer son désir de transparence, de justice et d’amélioration des conditions socio-économiques au Sénégal.

En effet, malgré qu’il ne soit pas encore officiellement candidat, les Sénégalais sont réputés pour ne pas être de ceux qui accordent des mandats de plus d’une décennie à un président. Les longs mandats comme ceux de Senghor et Diouf appartiennent au passé et Wade peut en témoigner.

Et même si Sall décidait de briguer un troisième mandat, la route vers la législature suprême ne serait pas un long fleuve tranquille. D’abord, il devra braver la première étant le Conseil constitutionnel, qui se prononcera sur la légalité de sa candidature et ensuite, il lui faudra faire face à l’opposition notamment et très certainement Sonko et Karim Wade, puis probablement Barthélemy Dias et l‘ancien maire de Dakar, Khalifa Sall.

Sonko vs Sall

Dans sa conquête du parlement, l’alliance Yewwi Askan Wi Wallu a pu bénéficier de la « sonkomania », la vague de soutien populaire qui tient son nom du candidat Ousmane Sonko. Arrivé sur la scène politique en 2014 avec la création de son parti les Patriotes du Sénégal Pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité, Sonko est un habitué de la chose politique sénégalaise.

Avant d’être sur le devant de la scène politique, il a occupé un poste dans la fonction publique en tant qu’inspecteur des impôts. En 2016, il est coupable de pratiques malhonnêtes de l’administration nationale et est radié. En 2017, il est élu à l’Assemblée nationale et devient progressivement la voix de l’opposition.

Le parcours de Sonko a été également entaché par des scandales publics notoires. Il a été accusé de viol, une accusation qu’il déclare être le fruit d’une manœuvre politique. En mars 2021, il a été arrêté pour troubles à l’ordre public, alors qu’il se rendait au tribunal pour l’ouverture des poursuites judiciaires contre lui.

Le soutien de ses partisans, qui étaient allés jusqu’à suivre son convoi en route pour le tribunal et manifester leur appui, avaient poussé à l’arrestation de Sonko pour des faits de troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée. Ce qui n’avait fait qu’augmenter davantage le mécontentement des siens. Des manifestations violentes ont eu lieu ensuite dans les principales villes du pays où des manifestants ont détruit des infrastructures publiques, tout en pillant des commerces français. 600 personnes ont été gravement blessées et 14 ont perdu la vie.

Un bilan assez lourd qui a été une preuve de plus de l’appréciation populaire pour Sonko. Pour les manifestants, son arrestation était synonyme d’une attaque contre la démocratie. Une autre preuve du niveau de sympathie des populations envers Sonko, se trouve dans les dernières législatives. Bien qu’il n’ait pas pu se présenter lui-même, on attribue néanmoins l’adhésion des électeurs à la mobilisation autour de Sonko.

De son côté, la cote de Sall ne fait que baisser et une des raisons expliquant cela est l’incertitude quant à sa candidature pour 2024 à laquelle il n’a pas encore donné de réponse. Et si jamais il ne se présente pas, son parti sera en très mauvaise posture puisque le président sénégalais n’aura pas préparé une figure politique assez forte pour prendre la relève.

Une élection disputée

Pour le moment, l’image de Sonko a attiré de nombreux électeurs. Ancien fonctionnaire incorruptible et politicien antisystème qui critique ouvertement la classe dirigeante, les récents événements ont montré à souhait le soutien dont il bénéficie de la classe populaire et ont renforcé sa stature de leader de l’opposition et sérieux candidat à la présidence.

Pour certains, la candidature de Sonko est une marque de nouveau cap à franchir pour la démocratie sénégalaise. Les électeurs qui ont été nombreux à rejoindre ses rangs apprécient surtout le fait qu’il accorde une grande attention aux questions relatives à la dette, l’exploitation des ressources naturelles, la pauvreté, le manque de financement des systèmes de santé et d’éducation et la corruption.

En 2019, Sonko était arrivé 3e lors de l’élection et avec tout l’appui dont il témoigne, il ne serait pas malvenu de penser que pour 2024, il ait une chance de s’imposer au second tour de l’élection. Cette fois, il a réussi à marquer des points auprès de l’électorat des zones rurales, ce qui renforcerait sa popularité déjà forte au sein de l’électorat urbain.

Mais attention à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Il reste encore de nombreux mois avant 2024 et nul ne sait ce qu’il pourra se passer d’ici là. Le régime Sall n’a pas encore dit son dernier mot ni joué ses dernières cartes et il faudra également attendre l’officialisation de l’éligibilité de Sonko qui sera déterminée par l’issue du procès pour viol.

Ce qui semble certain, c’est que les élections de 2024 s’annoncent très disputées avec au centre de la balance, les Sénégalais qui, en tant que maîtres du jeu, seront les seuls à décider de leur futur président.

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