Cameroun : Comment et pourquoi Ruben Um Nyobe a-t-il été assassiné le 13 Septembre 1958 ?

Cameroun : Comment et pourquoi Ruben Um Nyobe a-t-il été assassiné le 13 Septembre 1958 ? Actualité & Info | Éditions Afrique

Illustration de Ruben Um Nyobe

Le 13 septembre 1958, Ruben Um Nyobe alors âgé de 45 ans, meurt dans la forêt de son village natal Boumnyebel, des mains des militaires français. Un acte qui va marquer à jamais l’histoire commune entre la France et le Cameroun. 64 ans après son décès, militants et sympathisants du parti de Um Nyobe, l’UPC, se souviennent de lui.

Membre de l’UPC, secrétaire général du parti, Um Nyobe était une figure charismatique et emblématique de la lutte contre le système colonial. Il aura combattu pour l’indépendance du Cameroun et l’unification des parties occidentale et orientale du pays jusqu’à sa mort.

Victime de trahison

À cause de son combat, Um Nyobe faisait l’objet d’une traque acharnée de l’armée française. Grâce à des indiscrétions de quelques « ralliés », son campement fut localisé début septembre 1958 par le capitaine Agostini, officier des renseignements et par Georges Conan, inspecteur de la sûreté.

Um Nyobe est tué de plusieurs balles, tombant sur le bord d’un tronc d’arbre qu’il s’efforçait d’enjamber. Sa femme et leur jeune enfant parviennent à s’enfuir, tandis que ses partisans, ont été tous tués ou capturés les uns après les autres.

Après l’avoir tué, les militaires français traînèrent son cadavre dans la boue, jusqu’au village de Liyong. Cela le défigura complètement. Sa peau, sa tête et son visage étant profondément déchirés. Um Nyobe était méconnaissable aux yeux de la population à qui le corps était exposé. On ne lui accorda à cette qu’une tombe anonyme.

Qui était le coupable ?

À ce jour, il existe toujours plusieurs pistes quant à l’identité de l’auteur du coup mortel. L’on se demande s’il s’agissait d’un tirailleur d’origine tchadienne ou un sergent-chef de la compagnie ? Malgré plusieurs travaux menés à partir des archives de l’armée française, des archives nationales de Yaoundé et d’entretiens avec d’anciens maquisards, la question reste sans réponse.

L’ancien ministre Charles Okala, s’était confié à Abel Eyinga trois années après la mort de Um Nyobè. Pour ce leader politique, « la décision de procéder à l’élimination physique de Ruben Um Nyobè avait été prise en sa présence dans la ville de Batschenga, au cours d’une réunion à trois entre Ahmadou Ahidjo, Moussa Yaya Sarkifada et Charles Okala lui-même. »

Selon l’historienne Karine Ramondy, il reste encore un énorme travail de recherches à faire pour en savoir plus sur cette affaire. Il y a encore beaucoup de témoignages à collecter, à retranscrire et à conserver. Beaucoup d’archives à étudier, sur la période coloniale et au tournant des indépendances, qui n’ont pas été jusqu’à ce jour rendus accessibles aux chercheurs. Il y a également des archives privées qui mériteraient d’être disponibles et accessibles à tous, notamment celles du lieutenant-colonel Lamberton, à l’époque chef des opérations militaires françaises.

La mort d’Um Nyobe : Un rappel de brutalité et des nombreux méfaits de la colonisation

La mort d’Um Nyobe constitue pour les Africains un énième rappel des horreurs de la colonisation que beaucoup d’occidentaux peinent encore à désigner comme un crime contre l’humanité au même titre que l’esclavage.

Les méfaits de la colonisation sont innombrables et la brutalité dont ont fait preuves à la fois le gouvernement français et le gouvernement britannique est inqualifiable. Mais le plus grand malheur de cette tragédie reste sûrement l’impact qu’elle continue à avoir aujourd’hui. Car si sur le papier de nombreux pays de l’Afrique Subsaharienne sont indépendants dans les faits les anciens colons continuent d’exercer une forte pression sur ses pays gardant une main mise sur leur économie et leur monnaie avec l’exemple du Franc CFA, et de traiter ces pays comme de vulgaires subalternes ayant à peine le droit de prendre leurs propres décisions au sujet de la gestion de leur pays comme avec le cas du Mali.

Si aujourd’hui Ruben Um Nyobe représente à peine une simple anecdote des mémoires coloniales en France, au Cameroun il n’en est rien. Il est l’objet d’une immense admiration pour tous les Camerounais et surtout pour le peuple Bassa dont il était originaire. Selon, l’universitaire et militant Achille Mbembe le Cameroun doit réussir à « réveiller le potentiel insurrectionnel » que Ruben Um Nyobe avait en son temps su allumer. Mais ce dont le peuple Camerounais doit surtout se rappeler avec la mort d’Um Nyobe, c’est à quel prix fut acquis son indépendance, et pour quelles raisons il doit la chérir et la défendre.

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