Kenya : Dans l’attente de la décision de la Cour Suprême

Kenya : Dans l'attente de la décision de la Cour Suprême Actualité & Info | Éditions Afrique

Après les résultats de la présidentielle du 9 août dernier qui annonçaient William Ruto vainqueur, l’opposition menée par Raila Odinga a dénoncé des manipulations, remettant en question les résultats de la commission électorale kenyane. Au dernier jour des auditions sur la contestation desdits résultats, la défense de Raila Odinga a affirmé que ceux-ci ont été manipulés par des pirates informatiques.

En effet, le camp Odinga accuse la commission électorale d’avoir ignoré les résultats d’au moins 27 des 290 circonscriptions. Une version réfutée et balayée par les avocats de Ruto, annoncé vainqueur de l’élection.

Du scrutin aux contestations

Il faut savoir que ces contestations ne sont pas les premières du genre au Kenya. Depuis 2002, tous les scrutins devant élire le nouveau président ont toujours conduit à des contestations et manifestations dans les rues ou devant les instances de justice. Ce scrutin n’a malheureusement pas dérogé à la règle.

Après une semaine d’attente, la commission électorale kenyane (IEBC) a annoncé le 16 août, la victoire du vice-président sortant William Ruto avec 50,49% de voix contre 48,85% pour son opposant Raila Odinga, lui aussi figure emblématique de la politique kenyane qui avait notamment été soutenu par le président sortant Uhuru Kenyatta.

Odinga a déjà été candidat à 5 reprises par le passé et à chaque fois, il a été annoncé perdant. Pour ces résultats qu’il a qualifiés de « parodie », il a dénoncé des fraudes surtout que, peu avant l’annonce des résultats, quatre des sept commissaires de l’IEBC s’étaient désolidarisés du décompte officiel. Il a également saisi la Cour Suprême, comme il l’a fait en 2013 et 2017. Les juges rendront leur verdict aujourd’hui. 

Les accusations de Raila Odinga

Le camp Odinga a fait un recours pour expliquer dans quelles conditions les fraudes ont eu lieu. Ainsi, dans les 72 pages de sa requête, l’opposition affirme que des pirates informatiques se sont introduits dans les serveurs de l’IEBC et ont « converti, manipulé et illégalement » chargé des formulaires compilant les résultats des bureaux de vote.

Elle affirme également que la commission électorale a publié des chiffres contradictoires sur la participation et n’a pas pris en compte les résultats d’au moins 27 des 290 circonscriptions, estimant que Ruto n’a pas atteint le seuil constitutionnel de 50%+1 voix pour être élu au premier tour.

Wafula Chebukati, le président de l’IEBC a répondu en disant qu’il s’était acquitté de ses fonctions conformément à la loi et ce, malgré les « intimidations et le harcèlement ».

La réaction de la justice

Sur les sept recours déposés par Odinga, des particuliers ou des organisations, la Cour suprême a retenu neuf questions sur lesquelles statuer pour pouvoir rendre un verdict.

De leur côté, le travail des juges sera d’essayer de déterminer si le système informatique de l’IEBC a vraiment été piraté autant que le relève le camp Odinga et s’il y a eu des interférences dans la transmission électronique des formulaires de résultats.

Ils ont aussi prévu d’évaluer si la technologie électorale répondait aux « normes d’intégrité, de vérifiabilité, de sécurité et de transparence ». Rappelons qu’en 2017, l’annulation du scrutin est survenue après que des failles dans le système électronique ont été signalées et avérées.

Les options de la Cour Suprême

La décision de la Cour suprême concernant ce scrutin sera prise à la majorité des sept juges. Ces décisions sont définitives et exécutoires.

S’agissant de cet appel, la décision offre trois options : en cas d’irrégularités substantielles avérées et ayant affecté les résultats annoncés par l’IEBC, la Cour Suprême a le pouvoir d’annuler l’élection et d’ordonner un nouveau scrutin qui selon la Constitution, doit se tenir dans les 60 jours.

En deuxième option, la Cour Suprême peut critiquer le processus électoral mais conclure que les irrégularités ne méritent pas une annulation. Si elle considère que Ruto n’a pas obtenu les 50%+1 voix, elle peut ordonner la tenue d’un deuxième tour, jamais tenu jusqu’ici dans le pays, et qui devra se tenir dans les 30 jours. Ou, et enfin, la Cour Suprême peut valider l’élection de Ruto. Ce dernier prêterait alors serment le 13 septembre.

L’incidence sur le Kenya

Le Kenya est non seulement une locomotive économique de l’Afrique de l’Est, mais également un pilier de stabilité dans la région déjà tourmentée. Les périodes électorales dans le pays sont réputées pour être des sources de troubles, parfois sanglants. Notamment en 2007 où le pays a connu les pires violences post-électorales avec plus de 1.100 morts dans les affrontements politico-ethniques.

En prolongeant cette période électorale, les autorités prennent le risque de laisser s’installer le lot d’incertitudes qui viennent avec et cela entraînerait un ralentissement accru de l’activité économique du pays qui fait déjà face à l’inflation et à la sécheresse qui a plongé des millions de personnes dans le nord et l’est du pays dans une crise alimentaire, une corruption endémique et une certaine méfiance envers la classe politique.

Depuis le début de cette élection, tous les yeux sont rivés sur le Kenya et la décision à venir servira de test permettant de juger si la classe politique coloniale a tiré des leçons dernières années.

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