Le leader vétéran de l’opposition kényane Raila Odinga a déposé lundi auprès de la Cour Suprême une contestation des résultats de l’élection présidentielle de ce mois-ci, des résultats qu’il a qualifiés de « parodie » et qui font débats au sein même de la commission électorale.
Ondinga confiant quant à sa victoire
En effet, si les attestations de M. Ondinga ne sont à ce stade que des suppositions le candidat battu semble particulièrement confiant quant à la légitimité de sa requête et à son aboutissement. Il a déclaré à la suite de la contestation officielle des résultats avoir « suffisamment de preuves » de sa victoire.
Selon la requête le camp Odinga affirme notamment que 140 028 bulletins n’ont pas été pris en compte et que « cela affecte sensiblement les résultats finaux dans la mesure où aucun des (…) candidats n’atteint le seuil constitutionnel de 50 % plus une voix » pour emporter l’élection au premier tour.
Le candidat déchu a affirmé que ce recours s’inscrivait dans son combat historique pour la démocratie contre les « cartels de la corruption » qui lui ont volé la victoire.
« L’élection présidentielle de 2022 représente la tentative la plus téméraire par ce cartel pour renverser la volonté de l’électorat. Nous refusons de laisser le Kenya aller dans cette direction. Cela ne doit pas arriver et n’arrivera pas »
Raila Ondinga
La semaine dernière, le commissaire électoral a déclaré que le vice-président William Ruto avait remporté l’élection par une faible marge, mais quatre des sept commissaires électoraux ont fait dissidence, affirmant que le décompte des résultats n’avait pas été transparent.
Ledit recours constitue la cinquième contestation de résultats électoraux faite par le vétéran de l’opposition. En 2013 ainsi qu’en 2017, Ondinga avait déjà déposés des recours à la suite des résultats de l’élection présidentielle. Ces recours ont déclenché des violences qui ont fait plus de 100 morts en 2017 et plus de 1 200 morts en 2007 où il avait sans pour autant aller en justice, contesté les résultats de l’élection, ce qui entraîna l’une des pires crises post-électorale au Kenya.
En 2017, la Cour suprême a annulé le résultat des élections et a ordonné un nouveau scrutin, qu’Odinga a boycotté, affirmant qu’il n’avait aucune confiance dans la commission électorale.
Cette fois, Odinga est soutenu par l’establishment politique. Le président Uhuru Kenyatta a soutenu la candidature d’Odinga après s’être brouillé avec Ruto après les dernières élections.
La Cour Suprême kényane dispose donc de 14 jours pour rendre sa décision et, en cas d’annulation du scrutin, une nouvelle élection doit se tenir dans les 60 jours. Elle sera composée de sept membres, et présidée par Martha Koome, la première femme juge en chef du Kenya, qui a été nommée par Kenyatta l’année dernière.
Une commission électorale divisée
Il y a une semaine, le président de la commission électorale, Wafula Chebukati, a déclaré Ruto vainqueur avec 50,49% des voix contre 48,5% pour Odinga. Mais quelques minutes plus tôt, son adjointe Juliana Cherera avait déclaré aux médias dans un autre endroit qu’elle et trois autres commissaires désavouaient les résultats.
Quatre des sept commissaires avaient annoncé rejeter les résultats quelques minutes avant leur annonce, reprochant à M.Chebukati, sa gestion « opaque » et son absence de concertation.
M. Chebukati avait rejeté ces accusations, affirmant avoir exercé ses prérogatives conformément à la loi du pays malgré « l’intimidation et le harcèlement ».
Un total de neuf recours a été déposés. Outre celui de M. Odinga, les autres ont été déposés par des ONG et des particuliers.
La confusion publique a régné lors du décompte des voix après que les médias kenyans aient décidé de suspendre le décompte des 46 229 résultats au niveau des bureaux de vote, avec environ 80 % des votes comptés.
Ondinga a tout de même tenu à demander à ses partisans de garder leur calme et de n’entreprendre aucune action violente.
Si la Cour Suprême venait à confirmer les résultats, William Ruto deviendrait, à 55 ans, le cinquième président du Kenya depuis l’indépendance du pays en 1963.