Afrique : Plus de 88 milliards de dollars de flux financiers illicites

Afrique : Plus de 88 milliards de dollars de flux financiers illicites Actualité & Info | Éditions Afrique

Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Les flux financiers illicites en Afrique représentent 3.7% du PIB, soit un montant total de 88.3 milliards de dollars. 65% de cette somme provient des compagnies minières multinationales, qui par des procédés de façade, parviennent à rediriger autre part l’argent qui devrait revenir au trésor public. Les journalistes africains ont été sensibilisés à cet effet au cours d’un atelier de formation organisé par John Kaninda, avocat au barreau de Kinshasa.

Les multinationales présentes sur le continent usent de nombreuses malversations financières dans l’optique de faire fuiter de l’argent du circuit financier normal. « Elles utilisent comme moyen la surfacturation, la sous facturation et le transfert des prix. Souvent, ce sont des compagnies filiales ou affilées à l’investisseur principal. Ces compagnies ne prennent pas d’entreprise locale ni d’acteurs locaux », explique John Kaninda, avocat au barreau de Kinshasa.

Par ailleurs, l’avocat affirme que « Les fournisseurs d’équipement et de matériaux, les prestataires de services sont très souvent des filiales de ces grosses compagnies. Du coup les compagnies locales ne gagneront jamais de l’argent. Elles ne créeront pas d’emplois. Le trésor public ne recevra pas ce qu’il devrait recevoir ».

Selon une étude menée par le Centre Régional Africain pour le Développement Endogène et Communautaire (CRADEC), le Cameroun aurait perdu 31.5 milliards de dollar, soit 18 000 milliards de FCFA sur son commerce extérieur au titre de flux financier illicite entre 2007 et 2018. Ce montant cumulé est largement supérieur au PIB du pays en 2018, qui lui s’élève à 12 600 milliards de FCFA.

Impacts des flux financiers sur l’économie, la sécurité et le social en Afrique

Les flux financiers illicites impliquent comme on peut le constater plusieurs pratiques aussi nocives les unes que les autres : blanchiment d’argent, pots-de-vin par des entreprises internationales, évasion fiscale et falsification des transactions commerciales.

L’atelier qui s’est tenu le jeudi 23 juin 2022 a vu la participation de nombreux journalistes qui ont par les différents exposés pris conscience de l’ampleur de la situation. Makhtar Sylla, Directeur général Label TV, a renchéri les propos de l’avocat en précisant que le montant de ces flux financiers illicites est l’équivalent de l’aide publique au développement et des investissements directs et indirects étrangers. Comme quoi ces flux financiers entrants représentent un jeu à somme nul pour l’Afrique.

Ce délit à un impact significatif sur l’économie du pays qui en est victime. En effet, ces flux financiers privent le gouvernement des sommes qui auraient servi au financement des services publics, de la sécurité, de l’éducation et de la santé.

« Les 88,6 milliards de dollars que l’Afrique perd chaque année ne sont pas qu’un chiffre. Il faut l’envisager sous l’angle des opportunités de développement manquées, des moyens de subsistance perdus et de la pauvreté accrue. » Mme Cristina Duarte Secrétaire générale adjointe de l’ONU et Conseillère spéciale pour l’Afrique.

Les flux financiers illicites constituent une source importante du financement des activités terroristes en Afrique. Les foyers de tensions se multiplient sur le continent, les rebelles possèdent un matériel à la pointe de la technologie, pourtant ces derniers ne disposent pas de fonds pour s’en procurer.

Par ailleurs, Les compagnies minières multinationales à elles seules participent pour 65% aux flux financiers illicites. Ce constat rallonge juste la liste de toutes les dérives dans lesquelles elles sont impliquées. Depuis plusieurs mois déjà, les sites miniers engloutissent les travailleurs qui y exercent. Les communautés locales se retrouvent livrer à elles-mêmes et victimes des dégâts causées par l’exploitation des mines.

L’Afrique doit s’unir pour lutter contre les flux de capitaux illicites

Les gouvernements de manières isolés ne sauraient appréhender efficacement ce problème qui tue l’économie du continent. Les organismes sous régionaux et l’union africaine doivent épurer la région de cet argent qui finance sa chute.

L’action nationale en matière de lutte contre les flux financier illicites doit être tournée vers les personnes directement impliquée notamment les entreprises, les banques et tous les autres prestataires. Ceci doit être mise en œuvre conformément aux stratégies et conseils des organismes techniques compétents.

Le personnel en charge de la répression de cette pratique doit être formé et recyclé quant aux méthodes employées par les délinquants financiers. Le cadre légal en matière de création d’entreprise pour les investisseurs étrangers devrait tenir compte du niveau de risque en matière de flux financiers illicites.

Les investisseurs directs et indirects étrangers qui semblaient être une source de développement du continent ne sert donc pas toujours les intérêts du pays destinataire. Le développement de l’Afrique ne saurait reposer sur des capitaux extérieurs.

« L’occident, l’Inde et l’Asie ont leurs intérêts et feront tout pour que nous soyons dans une situation de dépendance. Il y a des enjeux qui dépassent ces enjeux supposés uniquement économiques, mais qui sont fondamentalement politiques et structurels et à travers lesquels on puise ramener tout cet argent-là de l’Afrique », déclare Makhtar Sylla.

L’Afrique ne peut se développer de façon exogène

Sur la scène des relations économiques internationales, l’aide n’a pas sa signification naturelle car, tout est un jeu d’intérêt, chacun cherchant à tirer son épingle de la partie. La mentalité de victime et de nécessiteux de laquelle se revêt l’Afrique depuis la colonisation contribue à son pillage et son asservissement.

Le Rwanda a bien compris après le génocide de 1994 que sans intérêt présent ou en perspective l’action n’est pas possible. Dans son plan de relance, le pays s’est positionné au rang de partenaire et non d’ex-colonie ou de « pays africain ». Les retombées sont appréciables et impactantes. Ceci doit être l’apanage des autres pays de l’Afrique qui sont encore de manière instinctive dans la prolongation de la colonisation.

Les compagnies impliquées dans la fuite de capitaux doivent être poursuivies et sommées de réparer le préjudice causé par leurs dérives. La faute est très certainement repartie entre les banques cupides et fonctionnaires véreux qui devrait également être sanctionnés afin de servir d’exemple.

L’aspiration 7 de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) interpelle le continent à « prendre l’entière responsabilité du financement de son développement » et pour atteindre se faire, il doit « éliminer les sorties de capitaux illicites et promouvoir la participation des organisations de la société civile pour suivre et ramener toute sortie de capitaux illicites ».

Les gouvernements africains sont une fois de plus interpellés à œuvrer pour le rayonnement national et régional au travers d’une gouvernance éthique et pro Afrique.

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