Côte d’Ivoire : Le pays agit et défend ses intérêts face aux multinationales du secteur cacao

Yves Koné directeur du Conseil Café Cacao

Yves Koné directeur du CCC

En Côte d’Ivoire, les planteurs de la filière cacao s’apprêtent à lancer la prochaine campagne cacaoyère qui s’ouvre dans deux semaines. L’occasion pour le directeur du conseil café cacao (CCC) de prendre ses meilleures armes afin de remettre sur la table, la question du DRD promis aux planteurs.

Le DRD ou encore le Différentiel de Revenu Décent est une prime que l’industrie du cacao s’est engagée à verser aux planteurs en vue d’améliorer leur rémunération et de soutenir la durabilité de la filière. Seulement, à chaque approche d’une nouvelle saison, les multinationales font toute sorte de manœuvres dans le but de ne pas la verser et vont même souvent jusqu’à faire des chantages pour se dérober de leurs engagements.

La Côte d’Ivoire hausse le ton

Si la filière cacao est où elle en est aujourd’hui, c’est grâce aux planteurs qui font le plus gros du travail. Ironiquement, ce sont également eux qui gagnent le moins dans le secteur. Sur les 120 milliards de dollars de revenus générés, ils ne perçoivent que 6%, au profit des intermédiaires, traders et industriels qui se font le plus d’argent.

Après de nombreuses négociations, le DRD est finalement acté en 2019 selon une décision consensuelle. Il est alors présenté comme la meilleure alternative pour limiter l’impact de la forte volatilité des cours du cacao sur les revenus des paysans, soutenir leur pouvoir d’achat et donc améliorer leurs conditions de vie.

Aujourd’hui, sa mise en œuvre reste problématique et loin d’être un acquis. Alors que les planteurs sont menacés de ne pas recevoir ce qu’il leur revient de droit après avoir fait le plus dur du travail, il s’agit pour les autorités d’intervenir. Face à cette volonté de se responsabiliser, Yves Koné, le directeur du CCC a décidé de hausser le ton et de ramener à l’ordre les multinationales.

Depuis ce mercredi, il participe à la réunion annuelle de l’Association Européenne du Cacao (ECA), à deux semaines de l’ouverture de la prochaine campagne 2022-2023. Cette année, le rendez-vous accueille plus de 350 participants de haut niveau à Rome. Parmi eux, des traders, des patrons de multinationales du chocolat et des broyeurs.

L’occasion pour M. Koné de rappeler aux différents acteurs du secteur l’importance du respect des engagements qu’ils ont pris en âme et conscience en 2019. « Notre initiative avec le Ghana est de fixer un prix plancher de $ 2600 et un différentiel de revenu décent de $400 la tonne. Et ceci, pour sortir nos planteurs de la pauvreté parce qu’ils ne bénéficient pas des revenus importants que génèrent cette industrie » a déclaré le directeur du CCC en direct de Rome.

La défense du ‘‘différentiel d’origine » 

Mais parler du DRD n’est pas la seule raison de la présence de M. Koné à Rome. L’autre volet de la bataille est la défense du « différentiel d’origine », une prime qualité ajoutée au prix de la fève de cacao cotée sur la bourse de Londres.  

Dans une note du CCC, le conseil explique que depuis l’instauration du prix plancher et du DRD avec l’assentiment de toute l’industrie du cacao, traders, chocolatiers et broyeurs ont négocié à la baisse le différentiel d’origine, une prime payée par le marché pour la bonne qualité des fèves ivoiriennes et ghanéennes.

La prime étant devenue négative, elle est également devenue une charge pour le pays producteur de fèves. Désormais, il s’agit d’un chantage exercé par les négociants qui l’exigent en contrepartie du paiement du DRD. Une situation qui tend à annuler l’effet escompté de ce DRD sur la rémunération des planteurs.

Le CCC n’a pas manqué de souligner que cette baisse du différentiel d’origine a été un frein à l’épanouissement des planteurs qui n’ont pas pu bénéficier d’un revenu décent et rémunérateur tel que voulu par les gouvernements des deux pays.

Une solution en vue ?

Pour résoudre le problème auquel sont confrontés les planteurs, le CCC et le COCOBOD du Ghana ont collaboré dans le cadre de l’organisation commune Initiative Côte d’Ivoire – Ghana pour le cacao (ICGC). Les deux organes ont convenu de  » fixer le différentiel d’origine à 0 FCFA pour la Côte d’Ivoire et à + 30 pound la tonne pour le Ghana et surtout de ne plus vendre de contrats d’exportation de cacao avec un différentiel d’origine négatif « . Une décision qui fait aujourd’hui l’objet de  »boycott ».  

Rendus à Rome, Yves Koné a profité du rendez-vous autour du cacao pour partager solennellement le message clair de la Côte d’Ivoire et du Ghana qui représentent à eux deux entre 65% et 70% de la production mondiale de fèves. Il a insisté sur l’importance du secteur cacao pour l’économie ivoirienne et de la nécessité des industriels de respecter leurs engagements afin de continuer à rendre et le secteur et les planteurs, prospères.

D’après le CCC, le géant américain Cargill, premier exportateur des fèves ivoiriennes, a acheté ce 9 septembre 25 000 tonnes pour la saison 2023/24 avec un différentiel d’origine positif, en plus du DRD. Une excellente nouvelle pour le Ghana et la Côte d’Ivoire mais aussi pour les planteurs que le CCC et le COCOBOD sont partis représenter et défendre en Italie.

Et si un géant du secteur s’engage sur cette voie après 2 saisons de discussions, cela veut surtout dire que les récents engagements des deux institutions ont eu un écho favorable. Ce qui pousse à penser qu’il suffit d’une bonne volonté des acteurs de la filière cacao pour garantir le profit de tous et l’avenir de la filière. Une chose est sûre c’est que le CCC ne compte pas s’arrêter avant d’avoir atteint ses objectifs.

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