Cela fait au moins trois décennies que les paysans de Zéguédéguin dans la province de Namentenga, se sont donnés pour mission de combattre la déforestation qui avance à pas de géants dans cette zone burkinabè. Munis de leurs outils manuels, ils n’ont que la force de leurs bras pour revégétaliser les sites protégés, les champs agroforestiers ainsi que lutter pour la protection de l’environnement et de la biodiversité.
A l’occasion de la Journée Nationale de l’Arbre (JNA) célébrée le samedi 6 août dernier, les paysans poussés par l’association Tiglavim de Zéguédéguin, ont envahi un site agroforestier grand de 3 hectares avec pour objectif de suivre la tradition qui s’est installée il y a 3 décennies et qui consiste à reboiser les forêts.
L’agroforesterie : Un engagement communautaire
Tiglavim veut dire l’arbre c’est la vie en langue mooré. C’est au cœur de cette signification que se trouve la vocation de ses adhérents.
Ces paysans ont bravé les averses qui sont tombées dans la nuit du 4 au 5 août, et ont quitté leurs champs de céréales et les plaines rizicoles pour célébrer la 4e édition de la JNA à Kaya. À travers cette initiative, ils veulent répondre présents à l’appel de la ministre en charge de l’environnement, Maminata Traoré à un engagement communautaire dans les actions de restauration du couvert végétal.
Ils sont nombreux à s’être engagés dans le combat contre la déforestation. Munis de leurs dabas, pioches, pelles, coupe-coupe et cordes, les paysans creusent des dizaines de trous d’une profondeur de 40 cm disposés en file indienne avec une distance de séparation de 10 m entre les trous et les lignes parallèles. Pour les grands arbres, il faut compter 10 m pour la distance de séparation entre deux plants et 5 m pour les petits arbres. Tandis que la corde sert à mesurer la distance entre les trous et les lignes parallèles.
La prochaine étape c’est la fabrication des grilles de protection en fer, en plastique et en bois pour les protéger. Pour la saison sèche, il est prévu d’utiliser des puits et des boulis pour l’arrosage, et la participation des enfants est non-négligeable puisqu’ils seront là pour surveiller les plants. Félix Dabilgou, le président de Tiglavim rassure et explique qu’en procédant ainsi, les paysans favorisent la survie des plants.
Pour la campagne de cette année, l’association aidée par la population de Zéguédéguin espère planter environ 3 000 plants de cacaoyers, d’anacardiers, de papayers, de manguiers, de moringa, de neems, de baobabs, de néré, de karité, de tamariniers, de balanites, d’acacias nilotica et bien d’autres.
L’importance de la sensibilisation dans la lutte contre la déforestation
Pour Félix Dabilgou, l’établissement de la JNA au Burkina Faso a été une occasion en or pour un éveil de conscience communautaire dans la lutte contre la déforestation et pour la protection de l’environnement et la biodiversité. Grâce à cette journée dédiée entièrement à l’arbre, les populations seront à même de comprendre l’importance des espèces végétales dans la vie de l’homme et ainsi, y donner du leur pour les préserver.
Le 15 juillet 2021, après 53 ans de bons et loyaux services, le barrage de la commune de Zéguédéguin a cédé. Une absence de barrage isole la commune du reste du pays ; c’est la raison pour laquelle les populations ont creusé des boulis pour arroser leurs arbres pour pallier le problème d’eau en période sèche.
Avec ces conditions de vie difficiles, la sensibilisation devient plus importante et elle se passe plutôt bien. Entre les services forestiers et Tiglavim, la prise de conscience communautaire est sur la bonne voie.
Menés par Anne Illie, la leader des femmes de l’association Tiglavim, femmes et jeunes filles sont en première ligne dans le combat. Les femmes de l’association mènent des actions de sensibilisation afin d’amener les gens à prendre conscience des effets néfastes de la déforestation avec un accent sur la plantation utile à travers la création de vergers.
Elles savent à quel point cette biodiversité est importante pour leur survie. D’après Anne, la principale source de revenus des femmes vivant en campagne est la transformation des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL). Elles sont capables de faire de grosses économies qu’elles peuvent ensuite injecter dans d’autres projets commerciaux. Grâce aux bénéfices générés, l’argent sert à payer les frais de scolarité de leurs enfants, tandis que le reste est injecté dans l’élevage de petits ruminants.
Un bilan satisfaisant
En pratiquant la protection, l’entretien et la surveillance des plants, près de 104 arbres ont survécu contre 6 morts, soit un taux de succès de 94,54%.
Plusieurs jeunes se sont également lancés dans l’agroforesterie dans les plaines rizicoles. Bernard, l’un de ces jeunes dont le rêve est de devenir entrepreneur agroforestier, a creusé un puits d’une profondeur de 12 m pour assurer la survie de ses plants. Pour lui, planter un arbre c’est assurer sa vieillesse et en le voyant, d’autres jeunes veulent faire comme lui. Certains en voyant son verger, n’ont pas hésiter à lui demander de l’aide afin de pouvoir eux aussi, avoir de beaux plants.
Rasmané Dabilgou aussi a fait du reboisement son combat. L’homme de 68 ans se bat pour reverdir une partie des berges du barrage de Zéguédéguin, grâce au soutien des services techniques des Eaux et Forêts. Son patrimoine vert est rempli de multiples espèces végétales. On y retrouve des manguiers, des goyaviers, des nilotica, des neems, etc. Après 5 ans de dur labeur, il juge le bilan satisfaisant. C’est avec une immense fierté qu’il raconte que sur un total de 37 plants mis en terre en 2018, 34 ont survécu et certains donnent même déjà des fruits, soit un taux de succès de 91,89%.
Malheureusement, malgré l’existence d’une dizaine de vergers dans la commune de Zéguédéguin, la majorité succombe au manque d’eau, surtout pendant la saison sèche où des paysans comme Rasmané doivent parcourir des kilomètres à la recherche du précieux liquide, essentiel pour ses plants.
Le lien entre l’arbre et la tradition
Le Ouid-Naaba de Zéguédéguin félicite la jeunesse de sa commune et l’encourage dans son initiative. Pour lui il y a un lien étroit entre arbre et tradition, puisque les arbres seraient des refuges de certains esprits. De son avis, la préservation des traditions ancestrales est indissociable de la lutte pour la protection de l’environnement.
Le garant de la tradition burkinabè alerte sur la difficulté actuelle de trouver certains médicaments traditionnels du fait de la disparition de certaines espèces végétales. Et puisque sans arbre, il n’y a pas de tradition, il exhorte chaque Burkinabè à planter de façon utile au moins un arbre durant cette campagne de reforestation, l’agroforesterie étant déjà bien développée dans la commune de Zéguédéguin.
Selon Félix Dabilgou, Tiglavim a prévu la mise en terre d’environ 3 000 plants sur les 6 750 produits, dans leurs 3 sites forestiers de 8 hectares, répartis en 4 ha, 3 ha et 1 ha, et dans des champs agroforestiers, pour cette saison d’hivernage.
La vie étant toujours difficile dans les zones dépourvues d’arbres, tous ces projets sont d’une importance capitale pour les populations et le Burkina Faso en général.