Elizabeth II : Que retenir en 2022 du décès de la reine ?

La Reine Elizabeth en visite dans les anciennes colonies

Il y a quelques jours, Elizabeth II s’éteignait à l’âge de 96 ans, après avoir régné pendant plusieurs décennies. Un décès qui a provoqué une vague de chagrin en Angleterre et dans d’autres pays. Mais alors que la famille royale faisait face à la douleur, la communauté internationale était divisée en deux camps. D’un côté, il y avait les pays amis et partenaires du Royaume-Uni qui exprimaient leur chagrin et de l’autre, les anciennes colonies notamment en Afrique, en Inde et même au Royaume-Uni, dont les populations ont gardé un très mauvais souvenir de la Reine.

Le décès de la reine d’Angleterre a suscité des avis mitigés dans le monde. Si certains ont versé des larmes, n’ayant que des mots élogieux à son égard, pour d’autres, l’on pouvait clairement ressentir du dédain et du soulagement à travers leurs réactions.

Adieux à la Reine Elizabeth II

La nouvelle aussitôt devenue publique, de nombreuses personnalités et figures politiques se sont empressées d’adresser leurs condoléances à la famille royale. En Afrique, ce sont les Chefs d’États qui ont tenu à s’exprimer.

Cyril Ramaphosa, le président sud-africain a décrit la reine comme étant une personnalité extraordinaire dont beaucoup de personnes dans le monde se souviendront avec affection. Pour Uhuru Kenyatta, le président sortant kényan, Elizabeth II était une « icône imposante du service désintéressé « .

Ian Khama, ancien président du Botswana, a également défendu l’héritage de la reine d’Angleterre qu’il a décrite comme « irremplaçable ». Khama a défendu Elizabeth en disant que, bien que la colonisation ne fut pas un évènement dont les africains ne veulent pas se souvenir, Elizabeth, comme d’autres, en a hérité, et n’en était pas l’architecte. Il a ajouté que l’Afrique devrait penser à la reine comme quelqu’un qui a « apporté une nouvelle ère à partir d’un passé sombre ».

You may not rest in peace

Populations africaines colonisées au temps de l’accession au pouvoir de la Reine Elizabeth II

« Nous ne pleurons pas la mort de la reine Elizabeth puisqu’elle nous rappelle une période très tragique dans l’histoire de notre pays et de l’Afrique. La Grande-Bretagne, sous la direction de la famille royale, (…) a pris le contrôle permanent du territoire en 1806. A partir de ce moment, les autochtones de ce pays n’ont jamais connu la paix (…). Durant ses soixante-dix ans de règne, la reine n’a jamais reconnu les atrocités que sa famille a infligées aux peuples autochtones que la Grande-Bretagne a envahis à travers le monde »

Julius Malema

Le moins qu’on puisse dire c’est que ces celebrations et discours positifs n’ont pas fait l’unanimité. Bien au contraire, ils n’ont fait que créer davantage d’animosité chez ceux et celles qui n’ont pas gardé un souvenir joyeux de la reine.

C’est le cas du Kenya où les populations ne se sont pas gênées pour manifester leur mécontentement après que Kenyatta a déclaré quatre jours de deuil national en mémoire de la reine. Le président sortant a été violemment critiqué pour cette décision.

En Afrique du Sud, l’Economic Freedom Fighters (EFF) soit le troisième grand parti du pays, a déclaré que la mort de celle qui en 70 ans de règne n’avait jamais reconnu les crimes perpétrés par la Grande-Bretagne et sa famille à travers le monde et dont elle était le fier porte-drapeau des atrocités, est un rappel d’une période très tragique de l’histoire du pays et de l’Afrique.

Avec la disparition de la reine, ce sont de nombreux mauvais souvenirs du passé, parfois sanglants de la domination coloniale britannique qui ont refait surface. Entre l’oppression, l’esclavage, les atrocités commises contre la population indigène, le vol de statues et objets d’art en Afrique de l’Ouest, sans oublier le vol de l’or et des diamants en Afrique australe et en Inde, on peut dire que ces peuples-là n’avaient aucune raison de pleurer la reine.

Sur les réseaux sociaux, certains abonnés n’hesitaient pas à être crus et durs dans leurs critiques. Dans certains messages, ils demandaient le retour du diamant « Star of Africa », extrait en Afrique du Sud en 1905 et figurant dans les joyaux de la couronne britannique. D’autres faisaient référence à la guerre du Biafra à la fin des années 1960, au cours de laquelle le gouvernement britannique avait soutenu et armé le gouvernement nigérian, contre les sécessionnistes de la République autoproclamée du Biafra. « Si quelqu’un s’attend à ce que j’exprime autre chose que du dédain pour une monarque qui supervisait un gouvernement ayant géré le génocide qui a massacré et déplacé la moitié de ma famille, et dont les survivants tentent toujours de surmonter les conséquences aujourd’hui, vous vous faites des illusions », s’est également épanchée sur Twitter l’universitaire d’origine nigériane Uju Anya

Partie trop tôt ?

Bien qu’elle soit morte à l’âge de 96 ans, pour certains, Elizabeth aurait dû partir après avoir au moins, reconnu son rôle en tant que reine, dans l’esclavage et la colonisation.

Beaucoup ont regretté qu’elle soit décédée sans s’être jamais excusée pour les crimes commis au nom de la colonisation. D’autres critiques pensent que la reine aurait dû user de son pouvoir et de son influence pour que les restes humains de ceux qui ont combattu la domination coloniale britannique soient restitués.

C’est le cas au Kenya et en Afrique du Sud, où certains citoyens réclament les têtes de héros nationaux comme Koitalel Samoei, qui a mené la résistance des Nandi dans l’actuel Kenya à la fin du 19e siècle, et le roi Hinstsa kaKhawula du royaume Xhosa d’Afrique du Sud, tué en 1835, dont les têtes ont été ramenées en Grande-Bretagne comme trophées. D’autres encore ont évoqué le massacre des kényans pendant la rébellion des Mau-Mau.

Long live the King

Depuis le 13 septembre, le cercueil de la reine sur lequel repose la couronne impériale d’État, a été acheminé à Londres, puis déposé au palais de Buckingham. Le public aura l’occasion de venir s’y recueillir, jusqu’à l’aube du 19 septembre, jour des obsèques où le cercueil sera conduit à l’abbaye de Westminster.

D’après les informations fournies par le Times, plus de 750 000 personnes ont l’intention de s’approcher de la dépouille de la reine Elizabeth II. Les dirigeants des cinquante-cinq autres pays du Commonwealth seront également présents.

Elizabeth II sera enterrée à Londres, dans la chapelle Saint-Georges du château de Windsor, là où reposent ses parents le roi Georges VI, la reine-mère et sa sœur. Le cercueil du prince Philip sera déplacé dans cette chapelle pour demeurer aux côtés d’Elizabeth II. L’inhumation ne sera pas ouverte au public et sera un événement confidentiel uniquement réservé aux membres de la famille royale.

Suite au décès de sa mère, le Prince Charles est devenu depuis le 8 septembre dernier, le nouveau roi. Dans l’histoire britannique, il est l’héritier apparent ayant attendu le plus longtemps avant son accession au trône, ainsi que le plus âgé lors de cet événement.

« L’histoire ne peut être réécrite, même si nous souhaitons parfois le contraire. Elle a ses moments de tristesse comme de joie. Nous devons apprendre de la tristesse et construire sur la joie ».

Elizabeth II

Si l’émotion ressentie par les britanniques et leurs pays alliés est compréhensible, il est important de rappeler en tant qu’Africain que le décès de la Reine et de toute l’institution qu’elle a longtemps représenté ne peut faire l’objet d’une grande tristesse. Selon ses propres mots l’histoire ne peut être réécrite, nous espérons tout de même que l’ère débutant avec le désormais Roi Charles III sera une ère de renouveau, avec une reconnaissance des crimes passés de l’Empire Britannique et une réparation de ceux-ci.

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