Le Nigeria a su se positionner sur le marché du cinéma africain voire international. Quand on parle de cinéma africain, on pense au cinéma nigérian et à ses productions qui ne cessent de s’améliorer au fil du temps. Nollywood c’est ça, de grands films, qui sont également de bons films, appréciés par le public qui en redemande. Ce sont des films qui parlent de tout, aussi bien de la vie normale que du surnaturel. C’est le cas du film King Of Thieves, la production nigériane dont nous partons à la rencontre.
Mêler culture et mythologies yoruba au cinéma moderne, tout en envoyant un message puissant, tel était le pari pris par le scénariste Yinka Olaoye.
Un casting de qualité
Pour représenter les personnages de l’histoire originale de Femi Adebayo, la production s’est attachée les services de Odunlade Adekola dans le rôle de Adegbite le monarque, Femi Adebayo dans le rôle d’Ageshinkole le chef de bandits, Toyin Abraham en tant que Oduola la femme du roi, Ibrahim Chatta joue le rôle d’Oguntade, le chef-chasseur et Segun Arinze dans le rôle du narrateur.
Un casting de qualité qui se veut enchanteur et bien défini, avec pour intention de montrer l’évolution des productions nollywoodiennes, tant il se distance des anciens films où tout était excessif, du jeu d’acteurs à leur technique.
Présentation du projet « Roi des voleurs »
King Of Thieves est un film qui s’inspire d’anciens films historiques yoruba qui avaient incarné l’esprit symbolique des mythologies yoruba.
L’histoire racontée est portée par la voix off de Segun Arinze, le conservateur de la galerie dans laquelle s’ouvre le film. Alors qu’une dame contemple avec fascination une peinture, il s’approche d’elle et lui demande si elle aimerait entendre une histoire sur la peinture, et c’est ainsi que tout commence, ou pas.
Après ce qui semble être un retour dans le passé, nous nous retrouvons à Ajeromi, l’ancien royaume Yoruba, devant un goup d’hommes terrifiants, galopant des chevaux. En pleine course, le chef du groupe s’arrête subitement pour tirer sur une tête ressemblant trait pour trait à la sienne, tout droit sortie du sol, avant de repartir à toute vitesse.
Dans une scène ultérieure, on voit trois hommes enterrés avec leur tête sortant de terre. Ils sont accusés de vol, un crime interdit dans la communauté et passible de la peine de mort.
L’histoire à proprement parler
Cependant, toutes ces scènes ne sont pas réellement le début de l’histoire car, elles ne font que planter le décor et donner le ton du film.
Car oui, tout est métaphysique dans King Of Thieves, à commencer par le couronnement carnavalesque d’Adegbite, le nouveau monarque de la communauté. Un mélange à la fois de rituels et de culture qui marque le début de l’histoire à proprement parler.
Cette cérémonie n’est pas faite au hasard puisqu’elle marque l’hommage rendu par Adegbite à l’Oracle Sango, aux sorcières, magiciens, mascarades aux autres éléments des forces surnaturelles, afin d’achever son règne en tant que nouveau roi.
L’intrigue secondaire
C’est celle de Oguntade, le chef-chasseur magnanime et également personnage principal de cette intrigue. Il a une femme amère, dont l’amertume, selon la divination Ifa, serait sa mort.
Pour sauver sa femme d’une mort prématurée, Oguntade reçoit l’ordre de tuer une antilope pour apaiser Ogun, le dieu du fer. Mais au lieu de tuer l’animal sacrificiel, Oguntade le vole. Il est arrêté et devient un agneau sacrificiel désigné pour combattre l’indestructible Ageshinkole.
Ageshinkole, c’est l’invincible roi des voleurs qui vient faire voler la paix en éclats en instaurant la terreur dans la communauté au moment où le roi s’apprête à commencer son règne.
Avant Ageshinkole était Adeoye, un jeune homme calme qui visait la position de roi de la communauté. Après avoir subi la trahison des anciens en qui il avait confiance pour l’aider à atteindre son objectif, il se fait piéger et son meilleur ami et lui finissent exterminés. Ce sont leurs esprits réincarnés, qui transcendent les limites du potentiel humain et des ordonnances physiques pour faire des ravages dans la communauté.
Intrigues principale et secondaire se retrouvent mêlées l’une à l’autre par le combat qui oppose Oguntade à Ageshinkole dans une bataille scintillante d’incantation, de magie et de spiritualité.
Le pouvoir du travail bien fait
King of Thieves est un film qui transforme le répertoire mythique des anciennes troupes de théâtre yoruba en lui injectant une technique et une vigueur modernes et en le préservant pour la postérité.
Il s’agit d’un récit simple mais féroce avec une intrigue intense menée par les performances élégantes et truculentes d’un couple de personnages bien développés.
Femi Adebayo offre une performance vicieuse et majestueuse. Tandis que nous avons droit à une sublime performance d’Odunlade Adekola en tant que monarque troublé de la communauté. Sans trop en faire, il fait preuve d’une puissance à la grande et décente dans sa façon de dépeindre son angoisse intérieure et ses emportements lorsqu’il fustige les forces puissantes de la communauté.
Ce sont son comportement, son énergie et sa langue d’argent aidant le film à atteindre son objectif qui rendent Ibrahim Chatta aussi élégant et mémorable. Quant à Toyin Abraham, elle livre une performance intense et remarquable même si son interprétation est légèrement entachée par une dramatisation excessive.
Le point fort du film
Outre les acteurs et l’histoire, il s’agit probablement de la narration en voix off, dont le film se sert pour explorer une perspective personnelle et combler les lacunes qui auraient entraîné des trous dans l’intrigue. La voix de Segun Arinze est parfaitement utilisée pour déployer le récit tel une poésie harmonisée par la, avec une verve et un rythme dramatiques.
Au-delà de l’histoire macabre du châtiment, King Of Thieves c’est aussi une histoire d’amour, d’amertume et de sacrifice ainsi que vue à travers l’intrigue secondaire. C’est un film qui s’appuie sur la matrice surnaturelle et le conte populaire yoruba pour diffuser au monde le message de la vertu et du renouveau culturel.
Autres choses à retenir de ce film, ce sont sa conciliation métaphysique, son intrigue et son dénouement, qui sont à la hauteur de son récit folklorique. Sans oublier la façon intelligente dont il superpose le théâtre traditionnel yoruba au dynamisme surnaturel du cinéma.
Le film se termine dans un style didactique de théâtre traditionnel yoruba. Les gens convergent et l’antagoniste, devenu protagoniste et divinité, donne des instructions chargées de commentaires sociaux : il exhorte le peuple à s’éloigner du mal pour éviter les calamités futures.