C’est en grandes pompes que le chef des milices séparatistes du front Polisario a été accueilli à Tunis par le président tunisien dans le cadre de la 8e Conférence Internationale de Tokyo sur le Développement de l’Afrique (TICAD 8) dont les travaux ont démarré samedi. L’acte jugé « hostile » et « inédit », a suscité l’indignation de plusieurs personnalités politiques tunisiennes.
Sur sa page Facebook, Abdel Wahab Hani a mis en garde le gouvernement quant aux effets de cet acte qu’il a qualifié de « suicide politique ». En effet, le président du parti Al Majd a déclaré que cet acte mettrait le gouvernement tunisien à mal puisqu’il finira par « exposer les intérêts suprêmes de la Tunisie et sa crédibilité à de grandes difficultés ».
L’accueil du chef de Polisario : un revirement dangereux
Hani, ainsi que d’autres voix politiques tunisiennes, dénoncent un « revirement dangereux » sur le plan diplomatique, au détriment des relations privilégiés et fraternels existant entre les deux pays et aussi vis-à-vis des constantes de la diplomatie tunisienne.
Hani, qui est aussi un activiste engagé de la société civile, a questionné cet accueil si chaleureux auquel a eu droit le chef de l’entité séparatiste, quand on sait que pour les autres présidents africains dits « frères », Kaïs Saïed s’est toujours contenté d’envoyer la cheffe du gouvernement pour assurer leur accueil. Un accueil dont la froideur n’a jamais échappé à Hani.
Indignation publique face à l’action de la Tunisie
Parmi les autres personnalités à avoir réagi suite à cet acte, nous avons Elyes Kasria. L’ancien diplomate a fermement dénoncé cette initiative du Saïed et a affirmé que cet acte marquait une rupture par la Tunisie de sa politique d’équilibre entre ses deux voisins maghrébins, le Maroc et l’Algérie. Kasria a déploré qu’en agissant ainsi, la Tunisie s’alignait avec l’Algérie contre le Maroc qui n’a pas caché son mécontentement.
Kasria s’est exprimé à travers son compte Facebook où il a expliqué que la direction politique et diplomatique tunisienne a malheureusement préféré s’inspirer de la technique japonaise du hara-kiri en accordant à la délégation sahraouie un accueil inhabituel, auquel n’ont pas souvent droit les délégations de pays africains avec lesquels la Tunisie entretient des relations historiques et privilégiées.
Si son indignation a autant d’importance, c’est parce qu’en matière de diplomatie, Kasria est plus que compétent. Il a été ambassadeur de la Tunisie à Séoul, Delhi, Tokyo et Berlin. Il a exprimé ses regrets quant à la façon dont la diplomatie tunisienne a géré ce cas. D’après lui, on aurait pu s’attendre à un meilleur transfert de technologie et de savoir-faire à la faveur d’un resserrement de la coopération avec le Japon en abritant le sommet de la TICAD 8.
Un problème de timing
Pour Kasria, la Tunisie se met dans une situation inconfortable, en se poussant un peu plus vers l’isolement sur la scène internationale surtout après des pénuries de céréales, de médicaments, de sucre, de café et d’essence.
Un avis que partage Mohamed Lassaad Abid, le secrétaire général de l’Organisation Tunisienne du Travail (OTT). Il a qualifié la démarche présidentielle de « suicide politique inédit » et affirmé qu’elle conduira la Tunisie à un isolement aux niveaux « arabe », « africain » et « international ».
Un problème de timing déploré par le secrétaire général du Parti « Courant démocrate ». En effet, Ghazi Chaouachi a remis en question la pertinence de la présence du Polisario dans un sommet économique unissant les pays africains au Japon. Il a d’ailleurs souligné que l’attitude de la Tunisie traduit une certaine « improvisation » et « incompétence » ainsi qu’un manque de vision claire en matière des relations diplomatiques.
Comme un signe que ces indignations ne sont pas uniquement des paroles vaines, le Maroc a décidé de ne pas participer au 8ème Sommet de la TICAD. « Suite à l’attitude de ce pays dans le cadre du processus du forum de coopération Japon-Afrique qui vient confirmer de manière flagrante son hostilité à l’égard du Royaume ».