Les rebelles du groupe M23 se sont emparés de la ville de Bunagana, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ont indiqué lundi des militants locaux, provoquant la fuite de 30.000 civils vers l’Ouganda voisin.
Bunagana est située à 60 km au nord-est de Goma, une ville de près de deux millions d’habitants qui sert également de plaque tournante pour les organisations d’aide internationale et la mission de maintien de la paix des Nations Unies, connue sous son acronyme français MONUSCO. La prise de Bunagana marque est un revers pour les forces congolaises qui, dimanche, avaient déclaré avoir mis les rebelles en « déroute ».
Bunagana était un bastion du M23 lors de l’insurrection au cours de laquelle Goma avait été envahie en novembre 2012 avant que les forces congolaises et de l’ONU ne chassent les rebelles vers le Rwanda et l’Ouganda voisins.
La ville de Bunagana est stratégique dans le commerce transfrontalier. « Bunagana est importante sur le plan économique parce que non seulement elle facilite l’accès avec le pays qui, lui, a plus un accès à la mer que la RDC, mais elle permet aussi au pays d’avoir un passage permettant d’accéder à la mer » affirme l’économiste congolais Kamala Kaghoma, enseignant à l’Université Officielle de Bukavu.
La RDC accuse le Rwanda
Un grand nombre des combattants du M23 sont des Congolais d’ethnie tutsie, et le président rwandais est d’origine rwandaise tutsie.
Dans un communiqué le général Sylvain Ekenge, porte-parole du gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu a déclaré que, « Les forces de défense rwandaises ont cette fois décidé de violer … notre intégrité territoriale en occupant la ville frontalière de Bunagana ».
La prise de la ville frontalière clé ne constitue « rien de moins qu’une invasion de la République démocratique du Congo », a-t-il ajouté. Il n’y a pas eu de réaction immédiate du gouvernement rwandais, mais Kigali a fermement nié les accusations portées au fil des ans selon lesquelles il soutient les rebelles du M23 qui combattent en RDC.
Une mission de l’ONU partisane
Lundi également, le Rwanda a accusé la mission de l’ONU en RDC de « prendre parti » et de soutenir Kinshasa alors que les relations entre les voisins s’effondrent.
« Lorsque la RDC bombarde le territoire rwandais sans provocation, c’est une affaire sérieuse qui a des conséquences, et cela doit cesser une fois pour toutes »
« Lorsque la RDC bombarde le territoire rwandais sans provocation, c’est une affaire sérieuse qui a des conséquences, et cela doit cesser une fois pour toutes », a déclaré Mme Makolo. Elle s’en est prise à la MONUSCO, l’accusant de prendre parti pour la RDC.
« La force de l’ONU, la MONUSCO, ne peut pas faire partie de cette agression, ni rester à l’écart et regarder ce qui se passe comme cela a été le cas, sinon elle devient complice (…) En prenant parti dans ce conflit, la MONUSCO a contribué de manière significative à l’intransigeance du gouvernement de la RDC dans le bombardement transfrontalier du territoire rwandais », a-t-elle ajouté sur Twitter.
Des relations tendues
La RDC et le Rwanda entretiennent des relations tendues depuis l’arrivée massive dans l’est congolais de Hutu rwandais accusés d’avoir massacré des Tutsis lors du Génocide des Tutsi au Rwanda perpétré en 1994.
L’ancien régime rwandais hutu a été soutenu par le Zaïre de Mobutu Sese Seko, “Lorsque ensuite le Front patriotique rwandais (FPR) a pris le pouvoir en arrêtant le génocide en 1994, de nombreux membres de l’ancien régime génocidaire ont effectivement fui au Congo. Le Rwanda a reproché à ce moment-là à la RDC d’accueillir des génocidaires”, déclare Pierre Boisselet, coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu, un projet du Groupe d’études sur le Congo (GEC).
Les deux pays s’accusent depuis longtemps mutuellement de soutenir divers groupes armés rivaux. Kigali et Kinshasa ont récemment échangé des accusations de tirs de missiles transfrontaliers dans le cadre des combats sur leur frontière commune.
Le M23, dit « Mouvement du 23 mars », s’est fait connaître il y a plus de dix ans lorsque ses combattants ont pris Goma, la plus grande ville de l’est de la RDC, qui se trouve le long de la frontière avec le Rwanda. Après un accord de paix, de nombreux combattants du M23 ont été intégrés dans l’armée nationale congolaise.
Mais au début de cette année, le groupe a semblé faire un retour en force, lançant une offensive contre l’armée de la RDC après avoir déclaré que Kinshasa n’avait pas tenu les promesses qu’elle avait faites pendant une décennie.
Les derniers combats ont conduit plus de 30 000 demandeurs d’asile congolais et 137 soldats de la RDC à passer en Ouganda lundi, a déclaré à Reuters Shaffiq Sekandi, commissaire résident du district de Kisoro en Ouganda. « Ils sont partout, les rues sont pleines, d’autres sont allés dans les églises, ils sont sous les arbres, partout. C’est une situation vraiment désespérée » a-t-il déclaré. Selon les Nations Unies 25 000 avaient fui les violences dimanche pour se réfugier en Ouganda.
Le président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, a appelé à une cessation immédiate des hostilités et à des pourparlers entre la RDC et le Rwanda pour résoudre une crise diplomatique croissante.