Malgré le départ des forces françaises du territoire malien, les tensions subsistent entre les deux pays. Au moment où les derniers soldats français quittaient le sol malien, le gouvernement malien dans une lettre envoyée à l’ONU accuse la France de « violations répétitives et fréquentes » de l’espace aérien et d’espionnage, et de « soutien aux djihadistes » et font la requête d’une réunion d’urgence du conseil de sécurité.
Les accusations du Mali
Le 15 août 2022, date à laquelle les derniers soldats français de la force Barkhane ont quitté le territoire malien, la correspondance de la diplomatie malienne met à nu « la face cachée de l’opération Barkhane au Mali ». Dans ladite lettre le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, affirme que la France a violé son espace aérien à plusieurs reprises et livré des armes à des combattants islamistes dans le but de déstabiliser son pays et déclare que le Mali se réserve le droit de faire usage de la légitime défense si les agissements français persistent, conformément à la Charte des Nations unies.
Le gouvernement du Mali afin de légitimer ses propos a avancé quelques éléments pouvant prouver « les actes d’agression contre le Mali » de la part de la France. Pour rappel, le gouvernement avait déjà signalé des incursions similaires en janvier et avril dernier tandis que Paris avait nié ces allégations. Aussi, « aux actes d’indiscipline caractérisés par des refus d’obtempérer aux instructions des services de contrôle aérien, s’ajoutent des cas d’extinction des transpondeurs dans le but de se soustraire au contrôle. S’y ajoutent également des cas de falsification de documents de vol, ainsi que des cas d’atterrissage d’hélicoptères dans des localités hors aérodromes sans autorisation préalable » affirme Bamako.
Le gouvernement Malien affirme par ailleurs avoir disposé de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes de l’espace aérien malien ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions. « Aussi, il convient de rappeler que c’est en raison de suspicions de manœuvres de déstabilisation de la France que le Gouvernement du Mali s’est fermement opposé à la demande de soutien aérien de la France au profit de la Minusma afin qu’elle ne se serve pas de la mission onusienne comme prétexte pour mener des opérations subversives visant à fragiliser davantage le Mali et la région du Sahel ».
Le 7 août, des attaques imputées à l’État islamique au grand Sahara (Eigs) ont fait 42 morts et de nombreux blessés parmi les forces armées maliennes (FAMa). Dans son communiqué, la direction de l’Information et des Relations publiques des armées (Dirpa) a immédiatement évoqué une forme de complicité extérieure, et les soupçons se sont instantanément dirigés vers la France. « Les opérations clandestines et non coordonnées enregistrées par les FAMa confirment la thèse que les terroristes ont bénéficié d’un appui majeur et d’une expertise extérieure », a ainsi déclaré la Dirpa.
Des relations en dents de scie depuis plusieurs mois
Cette correspondance vient aggraver les tensions qui existent déjà entre Paris et Bamako, en particulier depuis l’officialisation du départ de l’opération Barkhane du territoire du Mali.
Le point de rupture de cette relation vielle de 10 ans est entre autres le retrait abrupt des soldats Takuba des rangs Barkhane en juin 2021. Le caractère unilatéral de cette action rentre en violation de l’accord signé entre les deux parties. Le mécontentement du Mali a déjà été manifesté par l’expulsion de l’ambassadeur de l’hexagone.
En effet, la France s’est vue accusée de plusieurs violations des accords au cours des derniers mois. Premièrement, elle a décidé de façon unilatérale en juin 2021 de cesser les opérations conjointes avec l’Armée malienne. Chose que le Mali a appris par voie de presse. Deuxièmement, la France a encore déclaré par voie de presse qu’elle se retirait de la force Barkhane du Mali, sans avoir discutée au préalable avec les autorités maliennes. Donnant ainsi l’impression d’être le dirigeant du Mali. Troisièmement, elle est également accusée de multiples violations de l’espace aérien malien, près de 50 violations et d’espionnage de l’armée régulière du Mali sur son propre territoire.
Au vu de ces différentes violations commises par la France, le gouvernement Malien n’a pu fermer les yeux sur ce qu’il a considéré comme un affront de la part de l’ancien colonisateur, Il a donc le lundi 2 mai 2022 rompu les accords de défense avec la France et ses partenaires européens. Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a précisé que « il n’y a pas de base légale pour la France d’opérer sur le sol malien ».
Sur son compte Twitter officiel, l’ambassade de France au Mali a déclaré que le pays n’a jamais soutenu directement ou indirectement des groupes djihadistes et que jusqu’au départ de la force Barkhane, la France était considérée comme leur ennemi numéro un.
L’ambassade a également affirmé qu’en 9 ans, la France aurait perdu 53 soldats et neutralisé des centaines de djihadistes, dont des leaders des groupes.