Mercredi dernier, quelques dizaines de personnes se sont rendues au pied du piton sous une pluie torrentielle à la commémoration des 1.141 personnes mortes et disparues dans le drame de Sugar Loaf. Le 14 août 2017, la Sierra-Lone perdait quelques milliers de ses habitants dans des flots de boue et les blocs de pierres qui devalaient la pente abrupte de Sugar Loaf. Cinq ans plus tard, les populations et les experts s’inquiètent et redoutent un nouveau désastre.
Le désastre de Sugar Loaf
Sugar Loaf est une montagne située dans la banlieue de Freetown, la capitale du pays. Le 14 août 2017, des milliers de personnes ont vu leur vie basculer lorsque d’énormes blocs de pierres et de gros flots boueux ont commencé à dévaler la pente en direction de leurs habitations dans les quartiers environnants. La montagne en forme de cône arrondi, n’avait pas pu résister aux très fortes pluies qui sont tombées pendant plusieurs jours jusqu’à celui du drame où tout a basculé.
Un bilan officiel a fait état de plus de mille personnes décédées et disparues, malgré tous les efforts fournis pour les recherches et les évacuations de débris et autres décombres. Quelques temps après la catastrophe, ce sont des populations abattues mais condamnées qui sont revenues sur les lieux car n’ayant nulle part où aller.
La Sierra Léone est l’un des pays les plus pauvres du continent africain. À cause de la déforestation chronique qui sévit dans le pays, motivée par la quête du charbon et la construction des maisons sur les pentes, le pays n’est pas à l’abri d’une autre catastrophe comme celle d’il y a cinq ans.
De nouveaux glissement de terrain en vue ? : L’inquiétude des experts
Cinq ans après la mort de plus d’un millier de Sierra-Léonais, les experts tirent la sonnette d’alarme et informent que les conditions d’un nouveau désastre restent réunies sur les flancs du massif qui domine Freetown.
Pour Anthony Toban Davies, chef de l’entreprise de gestion environnementale Ecosys Sierra Leone Limited, la déforestation et les constructions en pleine pentes seront les causes principales du prochain désastre si le gouvernement ne prend pas rapidement des mesures.
De son côté, Daniella Samura s’inquiète et s’interroge sur la capacité des autorités à apprendre des leçons de la situation de 2017 et corriger ses erreurs. Cette conservatrice au Tacagama Chimpanze Sanctuary, un refuge pour les chimpanzés touché par le glissement de terrain de 2017, note également la présence des populations dans les zones à risques, une situation qui était déjà inconcevable en 2017 mais qui l’est encore plus maintenant au vu des évènements survenus à cet endroit. Pire encore, le fait que ces populations vivent dans ces lieux est néfaste pour l’environnement et sa biodiversité qu’elles détruisent.
Un contexte alarmant
Si les experts sont autant en alerte, c’est parce que la Sierra Léone a un lourd passif en ce qui concerne les catastrophes naturelles. Ces vingt dernières années, elle a été régulièrement frappée par des inondations et des glissements de terrains qui ont causé de nombreux dégâts et pertes aussi bien sur le plan économique qu’humain.
Rien que cette année, le pays a dû déclencher des alertes aux inondations après que d’importantes pluies sont tombées sur le territoire pendant trois jours consécutifs. En plus d’être victime d’une météo non favorable, probablement encouragée par les changements climatiques, la Sierra Léone est victime de son sous-développement.
D’après le directeur général de l’agence météorologique nationale, il est difficile d’assurer les prévisions météorologiques et la sécurité des populations. Gabriel Kpaka reconnaît que le pays est victime du manque d’équipements météorologiques (en particulier de radars), de données et de logiciels de prévision, doublé du peu de météorologues proprement formés représente un écueil majeur pour la mise en place de système d’alerte précoce.
Des efforts restent encore à faire
Aussi inquiétante que la situation puisse être, la Sierra Léone ne baisse pas les bras. En 2020, une agence de gestion des catastrophes a été créée pour juger du caractère habitable de la zone du désastre de 2017. Cette agence travaille en collaboration avec l’ONU.
Par ailleurs, en plus de réprimer les constructions illégales dans la zone, les autorités y ont lancé des opérations pour replanter 2.200 manguiers, bananiers ou avocatiers à flanc de Sugar Loaf. John Rogers, le directeur adjoint de l’agence de gestion des catastrophes a déclaré que les autorités travaillaient afin de trouver des solutions durables pour atténuer les risques de la vie dans les quelques 60 camps situés dans les bidonvilles et autour de la montagne, à travers de vastes campagnes et mécanismes de sensibilisation.
En 2018, le gouvernement a attribué aux survivants de Sugar Loaf, un certain nombre de logements financés par des philanthropes. Malheureusement, seule une fraction des 3.500 survivants en a bénéficié.
Aujourd’hui, les survivants de Sugar Loaf ont toujours besoin d’aide, leur situation n’a pas changé et ils continuent à vivre au jour le jour, se relogeant ici et là. C’est le cas d‘Almamy Bubu Conteh, qui a tout perdu en 2017 et dont le nom ne figurait pas parmi les bénéficiaires. Avec les 12 membres de sa famille, ils ont fini par revenir vivre dans la zone sinistrée après épuisement de l’allocation de logement accordée par le gouvernement et à nouveau sans toit.