Plus qu’une simple étoffe, le Ndop est une matière noble pour plusieurs chefferies traditionnelles au Cameroun. Les vêtements faits à base de ce tissus étaient réservés aux personnes distinguées et initiées selon les us et les coutumes en place. Malheureusement, le Ndop aujourd’hui paie les frais de son propre charme car, il est désormais mis à la disposition de tout le monde et perd par conséquent tout le sacré qui y était rattaché. C’est piégé entre le modernisme et le traditionnel que le Cameroun tente de trouver une solution afin de préserver l’essence même du très cher Ndop.
Un tissu spécial pour des personnes spéciales.
Ne porte pas le « Ndop » qui veut. Si au départ, ce tissu était réservé uniquement aux princes ayant déjà été initiés, aujourd’hui, la liste s’est quelque peu élargie et compte désormais les chefs traditionnels, les notables et autres membres de sociétés secrètes au Cameroun, parmi ceux qui ont le droit de porter cette tenue d’apparat.
Batié – region de l’ouest, durant une cérémonie funéraire où résonnent balafons, tambours et tam-tams, l’on remarque aisément Wambesso Fankam. Le prince sort du lot au milieu de la foule présente et pour cause, il est vêtu du fameux « Ndop » ; c’est un long boubou bleu assorti de motifs blancs.
Si le prince a qualité à arborer cette tenue, on observe de plus en plus les motifs du Ndop dans tous les marché, au grand déplaisir de plusieurs autorités traditionnelles. Sa majesté lui même a pu constater la vulgarisation de cet étoffe sur l’étendu du territoire et au delà: « aujourd’hui, c’est l’affaire de presque tout le monde puisqu’il est vendu sur les marchés. »
Confection du Ndop: Un art intergénérationnel.
Le « Ndop » n’est pas un tissu comme les autres. Sa fabrication qui nécessite le raphia demande énormément de travail. Trouver le raphia n’est que la première étape du processus. Ensuite, vient le travail de tissage à l’aide d’une aiguille et de fibres prélevées sur les feuilles de raphia. C’est le travail de Solange Yougo, une artisane de 52 ans, résidant à l’ouest Cameroun, plus précisément dans la ville de Baham où le ndop est encore confectionné manuellement. Solange, qui a hérité du savoir-faire de sa mère, s’active dans la confection d’une pièce qui peut s’étendre sur des mois, selon sa taille.
Solange confie avoir appris dès son plus jeune âge, entre 8 et 9 ans où elle a fait de cet apprentissage, un véritable passe-temps sous les conseils de sa mère. La technique qu’elle emploie sur ce nouveau tissu, est celle qu’elle a apprise de sa mère. « Je vais commencer à travailler sur un autre après. Elle m’a d’abord appris à tisser les deux lignes comme celles-ci. Il m’a fallu du temps pour apprendre à les broder », déclare-t-elle. Le ndop est donc le résultat d’un travail éreintant.
Une nouvelle donne.
Ce travail manuel épuisant n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, le Ndop n’a plus que de sacré et honorable, son prix. Estimé à 150 euros, il reste inaccessible pour le camerounais moyen. Malgré sa classification depuis février 2020 au patrimoine national camerounais par le ministère des Arts et de la Culture, il y a encore du travail à faire en vue de pérenniser la tradition.
Pour y parvenir, Doriane Teguia, une créatrice camerounaise parle de la nécessité de moderniser l’étoffe afin de la revaloriser et d’attirer une plus large clientèle, pas forcément fan du modèle traditionnel. « En l’utilisant de cette façon, on peut avoir une chose traditionnelle qui est moderne en même temps. Du coup, ceux qui aiment la modernité ont un accessoire comme celui-ci par exemple », a-t-elle ajouté.
En dehors de ce rebranding, il y a également l’ouverture aux nouveaux horizons en passant par son exportation. Celle-ci a commencé en 2018, lorsque la maison de luxe française Hermès a présenté une collection de foulards en soie qui reprenait certains motifs du ndop. Alors que le Cameroun plaide aujourd’hui pour son inscription au patrimoines de l’Unesco, il serait probablement préférable de créer des usines de fabrication du tissu qui seront bénéfiques pour les populations et l’image du pays. Entre création d’emplois, valorisation d’un tissu local symbole de notre culture et tradition et pérennisation de celui-ci, la palette des multiples avantages de faire vivre le Ndop semble être large et de bonne augure.
Dans un contexte de mondialisation, il n’existe plus d’intimité. en effet, ce qui est bien est copié et on réussit à l’approprié à son contexte. Le Cameroun et plusieurs autres pays d’Afrique ont été à plusieurs plans influencés par la culture extérieure, aujourd’hui la culture africaine influence l’occident, l’industrie musicale et l’art culinaire en sont quelques exemples. La mode vient s’y ajouter et vient ainsi renforcer la diplomatie culturelle de l’Afrique sur le continent.
L’enregistrement au patrimoine de l’Unesco est une première étape, la seconde consistant à réellement mettre en valeur ce joyaux afin de ne pas être plus tard obligé d’acheter des produits de luxe à base de cette pièce spéciale alors que l’Afrique, le Cameroun est à la base de cet art.