45 ans après son interdiction, la pièce de théâtre Ngaahika Ndeenda (Je me marierai quand je veux) est de nouveau jouée à Nairobi. Virulente critique sur l’héritage colonial dans le Kenya post-indépendance, elle avait valu en 1977 la prison, puis l’exil à ses deux auteurs.
La dernière représentation de « Ngaahika Ndeenda » (« Je me marierai quand je veux« ) sur le sol kényan remontait à 1977, interprétée par des ouvriers et paysans de la ville de Limuru, dans le centre du pays. La pièce n’aura été jouée que quelques semaines.
Le propos est virulent, mais pour l’un des auteurs Ngugi wa Thiong’o la véritable raison pour laquelle le texte lui a valu a prison puis l’exil c’est pour l’avoir fait jouer en langue kikuyu et par des paysans et ouvriers kényans dans sa ville natale Limuru.
« Dans les contextes coloniaux, la langue a toujours été utilisée comme un instrument pour contrôler les esprits. À l’époque, les enfants étaient battus ou punis s’ils étaient surpris en train de parler leur langue maternelle à l’école », raconte le dramaturge.
L’écho rencontré par ce récit évoquant l’exploitation des Kényans ordinaires par l’élite politique et économique du pays a déplu aux autorités, qui ont rapidement interdit la pièce et l’ensemble de l’oeuvre de Ngugi wa Thiong’o. L’écrivain et le co-auteur de la pièce, Ngugi wa Mirii, ont été arrêtés et emprisonnés.
Après un an dans la prison de haute sécurité de Kamiti, Ngugi wa Thiong’o est libéré. Mais « ils (le gouvernement) m’ont ensuite pratiquement interdit d’obtenir un emploi« , raconte-t-il dans une interview depuis la Californie, où il s’est exilé.
Il est revenu au pays en 2004, après que le Kenya a pris un virage démocratique, mais son séjour a tourné court. Quelques jours après avoir été acclamé à son arrivée à l’aéroport, des hommes armés l’ont passé à tabac et ont violé sa femme dans leur appartement de Nairobi. Il n’a jamais été établi si cette attaque était un cambriolage violent ou si elle avait d’autres motifs.
Pour une revalorisation des langues Africaines
Plus de quatre décennies après que Ngugi wa Thiong’o a pris la décision d’arrêter d’écrire de la fiction en anglais, renverser « la hiérarchie de la langue » reste au cœur de ses efforts pour lutter contre les inégalités. « Les enfants kényans sont toujours punis par les enseignants quand ils parlent leur langue d’origine au lieu de l’anglais à l’école. »
« Il est très important d’insuffler la fierté de sa langue. J’espère que nous pourrons continuer à lutter pour ce monde. Nous ne devons pas céder. »
Ngugi wa Thiong’o:
Cette situation est loin d’être un cas isolé, car dans de nombreux pays d’Afrique des populations continuent à subir le même stigma par rapport à leur langue d’origine. Un stigma découlant de toute une logique coloniale inculquée pendant des années aux enfants qui ont appris à dénigrer leurs langues et avoir honte de la parler sous-peine d’être vus comme des illettrés.
Fort heureusement peu à peu les langues locales reprennent de la valeur au niveau continental, les nouvelles générations refusant de voir leur héritage culturel mourir. C’est un espoir de plus en plus grand et partagé par de plus en plus de jeunes africains de voir leurs langues reconnues et valorisées à la place des langues coloniale.